dimanche 7 février 2016

Encore pb de corruption en Ukraine

Ukraine. Démission au ministère de l’Economie, une catastrophe pour le pays

Publié le
L’annonce a fait l’effet d’une véritable bombe : le ministre ukrainien de l’Economie a démissionné en accusant le gouvernement de corruption. Depuis, on parle de remaniement, voire de législatives anticipées. Et le pays s’enfonce un peu plus dans les difficultés.
C’est sans doute la crise la plus grave qu’ait connue le gouvernement ukrainien depuis sa formation en décembre 2014 sous la férule du Premier ministre Arseni Iatseniouk. Le ministre de l’Economie, Aivaras Abromavicius, d’origine lituanienne et l’un des trois “étrangers” au sein du gouvernement ukrainien, a présenté sa démission le 3 février.
“Il a accusé Igor Kononenko, adjoint au chef de la formation présidentielle au Parlement, ami et associé du président Petro Porochenko, de faire pression pour placer ses alliés dans des entreprises” en dépit des recommandations du ministère de l’Economie, rappelle le quotidien en ligne Oukraïnska Pravda. “Cet affrontement entre le ‘réformateur’ Abromavicius et le ‘cher ami’ Kononenko représente un dilemme pour Porochenko.”
“Trois heures durant, dans la soirée du jeudi 4 février, à l’occasion d’un conseil des ministres à huis clos, [le Premier ministre] a tenté de convaincre Aivaras Abromavicius de revenir sur sa décision.” En vain, le Lituanien s’en va bel et bien, et il entraîne derrière lui ses quatre vice-ministres.

Une démission au pire moment

Pour Iatseniouk, la démission de son ministre de l’Economie ne pouvait plus mal tomber. En effet, le 16 février, il devait de toute façon engager la responsabilité de son gouvernement devant la Rada [le Parlement]. Evoquant son intention de “poursuivre le combat pour les réformes”, comme le souligne sur son site l’hebdomadaire Dzerkalo Tyjnia, le Premier ministre se dit prêt à démissionner à son tour. Mais “s’il démissionne, c’est toute la coalition [au pouvoir] qui s’effondre. Or, dans les conditions actuelles, il paraît impossible de parvenir à former une nouvelle coalition. Dans ce cas, l’Ukraine doit se préparer à des élections législatives anticipées.”
Porochenko, lui, s’efforce de garder la main et, plutôt que de législatives anticipées, il préfère parler de “remaniement ministériel”, un remaniement qui devrait se produire “rapidement, dès que la Rada se sera prononcée sur les accomplissements du gouvernement actuel”, assure-t-on dans l’entourage du président, indique l’agence de presse UNIAN.
Ce séisme politique survient alors que, dans le Donbass, les activités militaires s’aggravent. Depuis plusieurs semaines déjà, “nous assistons à une nouvelle escalade du conflit dans la zone de l’opération antiterroriste”, déclare le spécialiste Dmytro Timtchouk, repris par l’hebdomadaire Oukraïnsky Tyjden. “Les forces russo-terroristes ont accru l’intensité de leurs attaques à l’aide d’armes légères, de systèmes d’armes antichars, de mortiers de 120 mm et de véhicules blindés” en plusieurs points du front.

Une démission révélatrice des maux du pays

Dans ce contexte tendu, la crise au sommet à Kiev semble particulièrement malvenue. Pourtant, estime dans le Kyiv Post Martin Nunn, spécialiste britannique des communications qui travaille depuis vingt ans en Ukraine, Aivaras Abromavicius a fait preuve de “dignité”, et a eu raison de prendre sa décision.
Sous bien des aspects, Abromavicius, un banquier lituanien de 40 ans, a donné les trois coups de ce qui risque d’être le dernier acte. D’un côté, nous avons l’ordre ancien du président Petro Porochenko et de sa bande qui, par leur mentalité, ne sont en réalité guère différents du clan de [Viktor] Ianoukovitch et du Parti des régions qu’ils ont remplacés, et, de l’autre, un gouvernement qui a vraiment foi en l’avenir européen de l’Ukraine. […] La bataille finale entre ces deux armées irréconciliables va à tout jamais déterminer le futur de cette nation.”
Ne mâchant pas ses mots à l’égard de Porochenko, Nunn lui reproche en outre d’avoir “nommé le bruyant Mikheïl Saakachvili gouverneur d’Odessa, et de n’avoir rien fait pour calmer les ardeurs dudit gouverneur, dont les agissements auraient valu à n’importe qui d’autre d’être limogé”. Et de conclure : “Abromavicius a levé le voile, nous permettant à tous de découvrir la véritable cause de la lenteur des réformes, et la nation [ukrainienne] devrait lui en être à jamais reconnaissante.” 
Source : Courrier international