lundi 28 janvier 2019

"L'empire de l'or rouge" ou comment la Chine s'est imposée dans l'industrie de la tomate (source : L'Humanité.fr, 29 janvier 2019)

JEAN-BAPTISTE MALET : « L’HISTOIRE DU CONCENTRÉ DE TOMATES EST UN CONCENTRÉ DE CAPITALISME »

Vendredi, 9 Juin, 2017
Tout le monde en mange, et pourtant la plupart ne l’ont jamais vue. Un journaliste d’investigation a arpenté la planète sur la trace de la tomate d’industrie, à la base de nos sauces prêtes à l’emploi. Le résultat, édifiant, est publié dans un livre, l’Empire de l’or rouge. Enquête mondiale sur la tomate d’industrie, sorti chez Fayard le 17 mai.
Après deux ans d’enquête sur la tomate d’industrie, vous révélez l’envers du décor, celui d’un empire connecté aux plus grandes multinationales de l’agroalimentaire. Votre livre remonte la piste qui vous a conduit en Asie, en Europe, en Amérique, en Afrique. Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de cette marchandise ?
Jean-Baptiste Malet J’ai souhaité raconter le capitalisme à travers une boîte de concentré de tomates. Il y a à peu près un siècle, l’humanité consommait très peu de dérivés de la tomate, pourtant c’est aujourd’hui une marchandise universelle. Cette industrie est née en Italie, à la fin du XIXe siècle, mais son histoire épouse aussi celle de la Heinz Company, la première multinationale de l’histoire des États-Unis, qui a précédé Ford dans l’histoire de la production de masse, notamment par le recours au travail à la chaîne dès 1904. Quand nous pensons au début du taylorisme, notre imaginaire nous renvoie l’image d’hommes suant sur les chaînes automobiles. Pourtant, les ouvrières des conserveries Heinz ont elles aussi connu les cadences infernales, les accidents, la violence de cette organisation du travail.
La tomate d’industrie serait donc en quelque sorte le témoin des grandes étapes qui ont conduit à la production de masse ?
Jean-Baptiste Malet J’évoque dans mon livre, en pastichant Braudel, une « civilisation de la tomate ». Il n’y a pas d’autre exemple dans l’ère capitaliste d’une marchandise universelle qui soit aussi accessible, de la bouteille de ketchup du restaurant branché de San Francisco au marché des villages les plus pauvres d’Afrique. Même les êtres humains qui vivent avec moins d’un dollar par jour achètent et mangent du concentré de tomates, parfois vendu à la cuillère, pour quelques centimes. Dans les années 1980, l’invention du baril aseptique de 230 kg de triple concentré a fait de celui-ci une matière première facilement transportable, totalement adaptée à la donne néolibérale. Les grandes multinationales achètent ces barils pour fabriquer leurs produits industriels. L’histoire du concentré de tomates est un concentré de capitalisme.
Comment expliquer qu’une marchandise aussi consommée dans le monde ait suscité si peu d’intérêt de la part des grands médias ?
Jean-Baptiste Malet Raconter les rapports de production d’une marchandise et, de cette manière, dévoiler que l’organisation du monde a pour base une idéologie, cela exige des moyens, de la rigueur, du temps pour travailler au long cours, et un esprit critique qui ne soit pas faussement impertinent. Soit l’exact opposé de ce que sont en mesure de proposer les médias de masse détenus par des milliardaires. On sait peu que, parmi les migrants qui récoltent les tomates d’industrie en Italie, dans des conditions effroyables, beaucoup viennent du Ghana ou du Sénégal, qui ne sont pas des pays en guerre. La seule guerre qui pousse ces travailleurs à l’exil est la guerre économique et le libre-échange absolu qui dévastent les filières locales de production, dont celle de la tomate.
Un acteur majeur émerge, dont vous retracez l’histoire et les procédés, la multinationale Heinz, qui a fait fortune dans la tomate et ses dérivés…
Jean-Baptiste Malet Les origines du modèle Heinz remontent à la Commune de Pittsburgh, à l’été 1877, qui fait suite à la grande grève du rail, et qui sera réprimée au canon. Henry J. Heinz vit à Pittsburgh, il assiste aux émeutes et au bain de sang, et cet entrepreneur issu d’un milieu populaire a l’intuition que l’on ne peut pas se contenter de réprimer durement la main-d’œuvre. Pour intégrer les ouvriers au capitalisme, il théorise un paternalisme qui devient aux États-Unis un modèle du genre. Heinz est puritain, hygiéniste, très pieux. Il a à cœur de proposer des produits qui soient le reflet de la pureté morale et religieuse à laquelle il aspire. Ce comportement inédit va lui permettre de battre ses concurrents. Si la Campbell Soup a connu de très grandes grèves, menées par des syndicalistes pour certains membres des Brigades internationales, et qui seront plus tard emprisonnés sous le maccarthysme, Heinz a su s’en prémunir grâce à l’endoctrinement paternaliste pratiqué par sa direction. Au début du XXe siècle, ce management peut sembler un embryon de totalitarisme. Si l’on a beaucoup moqué et commenté dans les livres d’histoire le stakhanovisme soviétique, peu de gens savent que la Heinz Company a adopté une propagande similaire auprès de ses ouvriers, en distribuant à la même époque des milliers de médailles à l’effigie de Henry J. Heinz. Décorations qui n’ont rien à envier à celles des Héros du travail.
Comment la tomate est-elle devenue le fruit mondialisé par excellence ?
Jean-Baptiste Malet Cela est dû au fait que la tomate se marie avec à peu près tout. C’est le miracle de la pizza : la sauce tomate transforme de la pâte à pain en un plat. L’autre aspect de cette « révolution rouge », c’est son histoire technologique, et le rôle qu’a joué la politique de l’« autarcie verte » sous le fascisme italien, marquée par la rationalisation de la culture de la tomate, et une partition entre le nord et le sud de l’Italie. Au sud, les productions destinées aux conserves (tomates entières). Au nord, celles des sauces et des concentrés. La partition demeure aujourd’hui encore. Le fascisme italien a investi énormément dans la recherche agronomique et le conditionnement en conserves, un symbole idéologique d’inspiration futuriste. Le premier catalogue de la grande foire consacrée aux emballages alimentaires, née sous le fascisme en 1941, et qui se tient toujours aujourd’hui, présente une boîte de conserve frappée des lettres « AUTARCHIA ». Cette avance technologique a permis aux Italiens, après guerre, de mondialiser l’industrie rouge.
Un acteur va bouleverser ce marché et ses circuits dans les années 2000 : la Chine, qui devient en quelques années le leader mondial de la tomate d’industrie. Comment expliquer ce tournant ?
Jean-Baptiste Malet Pour comprendre comment la Chine devient le premier producteur mondial de concentré de tomates exporté vers l’Italie, il faut remonter au pacte que les Italiens ont noué avec des dirigeants chinois du Xinjiang. Ce territoire est administré par le Bingtuan, le corps de production et de construction du Xinjiang, un véritable État dans l’État ; il est peuplé par les Ouïghours. Le Bingtuan, extrêmement puissant, a à cœur d’industrialiser la région. Alors les Italiens ont joué aux Marco Polo, en proposant d’installer des usines clés en main que les Chinois ont remboursées les années suivantes en barils de concentré expédiés vers Naples. Ce modèle, reposant sur le travail à bas coût des populations locales, voire de prisonniers, a permis d’approvisionner les conserveries napolitaines en concentré chinois. Ainsi est né Chalkis, le géant industriel du Bingtuan dédié à la tomate.
Dans votre livre, vous mettez le doigt sur un règlement européen qui permet aux importateurs de revendre du triple concentré de tomates chinois auquel on a ajouté de l’eau et du sel sous le nom de « double concentré italien ». N’est-ce pas la porte ouverte à un trafic lucratif ?
Jean-Baptiste Malet Dans le monde du « libre marché », rien n’interdit à un industriel de remballer du concentré chinois et de n’indiquer sur l’étiquette que la dernière étape de transformation : l’Italie. Le régime douanier d’obédience libérale dit du « perfectionnement actif », qui permet d’importer puis de réexporter hors d’Europe du concentré chinois libre de taxe en le « retravaillant », donne lieu à toutes sortes de dérives. Mais l’Union européenne s’en fiche puisque cela contribue à la « compétitivité » des entreprises napolitaines…
Vous écrivez que l’industrie de la tomate est si avide de capitaux qu’elle sert de blanchisseuse d’argent sale, tant et si bien que les produits agro-mafieux arrivent jusqu’aux assiettes des consommateurs du monde entier…
Jean-Baptiste Malet La conserve italienne a toujours été un débouché privilégié des mafias pour blanchir des capitaux. Sa facilité de circulation permet aux agro-mafieux de bénéficier du libre-échange en projetant leurs marchandises sur tous les continents. Ces mafias n’ont rien à voir avec l’image du gangster au pistolet : elles sont parfaitement intégrées aux classes dominantes. Leurs activités sont ainsi devenues une excroissance naturelle du marché. Qui dit laisser-faire et dérégulation dit absence de contrôle douanier et étatique, donc blanc-seing aux activités criminelles.
Vous citez au passage le nom d’enseignes de la grande distribution, parmi lesquelles Carrefour, Auchan, Leclerc ou Intermarché, qui commercialisent des produits d’entreprises aux pratiques douteuses connues de tous. Comment les obliger à rendre des comptes ?
Jean-Baptiste Malet En les nationalisant ? Tous les acteurs de la filière savent que ces entreprises écoulent des produits opaques. Il suffit de se rendre dans un champ de tomates en Chine ou en Italie pour s’en apercevoir. Il n’est pas utopiste d’imaginer que des États puissent un jour exiger la traçabilité totale des produits et une transparence absolue de leurs chaînes de production. Il faudrait pour cela légiférer. Pourquoi pas avec un référendum ?
En vous lisant, on découvre une filière avec ses traders, ses scientifiques appointés par des lobbies, son conseil mondial… Qui sont ces « maîtres du monde » de la tomate ?
Jean-Baptiste Malet Ils forment un noyau qui réunit les principaux acheteurs de concentré – les multinationales comme Heinz, Unilever ou Nestlé –, les transformateurs, les généticiens, les semenciers, les vendeurs de machines… Tous se retrouvent à huis clos lors du congrès mondial de la tomate d’industrie. On y chante les louanges du Tafta, des grands projets de libre-échange, en chœur avec des membres du gouvernement italien, de la Commission européenne et des dirigeants patronaux. Mais on n’y parle pas du tout des conditions de travail des migrants du sud de l’Italie qui récoltent l’essentiel des tomates pelées du marché mondial.
L’arrière-plan présent tout au long de votre enquête, ce sont justement les milliers de travailleurs des champs qui récoltent les tomates. Quel rôle joue cette industrie dans l’exploitation des travailleurs migrants ?
Jean-Baptiste Malet Dans le sud de l’Italie, ces travailleurs sont entassés dans des bidonvilles qui peuvent compter jusqu’à 5 000 personnes, sans eau courante ni système sanitaire. Ce sont dans ces ghettos que les travailleurs vendent leur force de travail. Le marché du travail est quasi exclusivement contrôlé par la criminalité organisée. Les migrants doivent payer pour tout. Ce sont des prolétaires au sens littéral du terme : le salaire qu’ils touchent sera intégralement dépensé dans le ghetto, pour leur survie. Les conditions de travail sont terribles. Les récoltes se font sous le soleil, durant dix heures par jour, pour 20 à 25 euros. Certains en meurent. L’exploitation est telle qu’entre la machine de récolte et l’esclave migrant, le coût est identique. Et pour peu que l’on exploite encore un peu plus durement les migrants, en volant des journées de travail, ce qui est fréquent, l’esclave sera toujours plus compétitif que la machine. On a ainsi une illustration concrète de la façon dont le capitalisme mobilise le travail humain pour édifier un monde cauchemardesque. Rien ne le justifie, si ce n’est une idéologie obscurantiste et criminelle : le néolibéralisme.
Entretien réalisé par Sébastien Crépel

lundi 21 janvier 2019

Les Ming, une première mondialisation. (Sources : newsletter de la revue Sciences Humaines)

Les Ming, une première mondialisation

   (Profil auteur)
Décembre 2018/janvier 2019
Il est souvent dit que les Ming fermèrent la Chine, en renonçant aux expéditions navales. Mais on devine, à travers des porcelaines et une carte jésuite, une réalité plus complexe.
Les Ming formèrent une longue dynastie. Presque trois cents ans d’histoire, entre 1368 et 1644. Ce fut une dynastie Han, autrement dit chinoise, entre une dynastie mongole, celle des Yuan, et une dynastie mandchoue, celle des Qing. Fut-elle la dynastie d’une Chine emmurée et repliée sur elle-même ? C’est parfois ce que l’on dit.
C’est, en effet, sous les Ming, au 15e puis au 16esiècle, que la Grande Muraille prit toute l’ampleur qu’on lui connaît. Certes, les premiers éléments étaient fort anciens, puisqu’ils remontaient à l’empereur Qin Shi Huangdi (seconde moitié du 3eav. J.-C.), selon l’historien Sima Qian, qui, dans ses Mémoires du Grand Historien, parlait déjà du « Long mur de dix milles miles » (Wanli Changcheng). L’expression était emphatique. Ce long rempart, reconstruit de multiples fois, fut donc repris par les empereurs Ming pour endiguer la menace mongole, persistante, et fut particulièrement renforcé dans sa section la plus proche de la « capitale du Nord », Beijing (Pékin). Cependant, la Grande Muraille ne permit pas d’empêcher les Mandchous, après de nombreuses tentatives, de passer et de prendre la ville en 1644.
Trois exemples, cependant, permettront d’illustrer les relations complexes entre la Chine des Ming et le reste du monde.
Le premier est l’épisode des grandes navigations entreprises par l’amiral Zheng He, entre 1405 et 1433. Ces voyages maritimes, un peu moins connus que leurs équivalents européens à la même époque, auraient pu changer le cours de l’histoire globale s’ils n’avaient été brutalement interrompus. Yongle, le troisième empereur Ming, qui régna entre 1402 et 1424, fut celui qui décida du déménagement de la capitale de Nanjing à Beijing, mais il fut aussi l’initiateur d’une entreprise maritime inédite en direction des pays d’outre-mer, de l’Asie du Sud-Est jusqu’à l’Afrique. À six reprises, sous le règne de Yongle, l’amiral Zheng He prit le large à la tête d’une flotte de très grands navires pour nouer des relations commerciales et diplomatiques avec des contrées connues et inconnues. La girafe ramenée par Zheng He en 1415, cadeau du sultan du Bengale, qui la tenait lui-même du sultan d’Ajuran, fut immortalisée par le peintre Shen Du. Mais ceci avait un coût. Aussi, le successeur de Yongle, Hongxi (1424-1425), décida-t-il d’interrompre ces expéditions.
Néanmoins, une septième expédition eut lieu à la demande de l’empereur Xuande (1425-1435). Ce fut la dernière. Zheng He est-il mort durant ce dernier voyage ? Rien n’est sûr. Une sorte de mystère, dû au manque d’informations, entoure la fin de ces expéditions, qui marqua de fait un repli de la dynastie Ming, et laisse la place aux spéculations. Notons qu’aujourd’hui, la figure de Zeng He est remise à l’honneur par le pouvoir chinois dans le but de promouvoir un modèle pacifique de mondialisation, pour ne pas dire d’impérialisme.
Le deuxième exemple est celui de la porcelaine. Un vase Ming apparaît aujourd’hui comme le summum de la production chinoise. Pourtant, le « bleu et blanc » de ces vases révèle une histoire plus complexe liée aux échanges commerciaux dans l’océan Indien au 15e siècle, mais aussi des transferts technologiques et culturels entre Asie occidentale et Asie orientale. En effet, la porcelaine « bleu et blanc », dont les premiers exemplaires remontent à la dynastie des Tang, au début du 10e siècle, fut perfectionnée sous les Ming au 15e siècle.
Cette porcelaine est le produit d’une rencontre entre le savoir-faire des potiers de la ville de Jingdezhen, où était produit l’essentiel de la porcelaine chinoise, et celui des potiers musulmans. L’usage du cobalt fut introduit par des marchands musulmans présents à Quanzhou qui développèrent le commerce du « bleu musulman » en l’important de Perse. L’introduction du décor « bleu et blanc » leur permit de produire à plus bas coût par rapport à leurs concurrents de Longquan qui fabriquaient des céladons selon une technique très délicate demandant une grande maîtrise des fours et de l’oxygénation au cours de la cuisson. La production de Jingdezhen et l’exportation de cette porcelaine furent favorisées par les empereurs à partir de la fin du 13e siècle. Les Italiens tentèrent bien d’imiter la porcelaine chinoise dès le 16e siècle, notamment avec la « porcelaine des Médicis » à partir de 1575, mais le secret resta longtemps gardé et ne fut finalement connu qu’au début du 18e siècle lorsque le jésuite François-Xavier d’Entrecolles publia les secrets de la fabrication de la porcelaine et que les premiers échantillons de kaolin furent introduits en Europe.

Le succès des jésuites

Le troisième et dernier exemple est précisément celui de l’arrivée des jésuites en Chine. Ceux-ci s’installèrent à petits pas. En 1517, une ambassade portugaise menée par Tomé Pires tenta en vain d’être reçue par l’empereur Zhengde. Le commerce avec les folanji, les Européens, fut prohibé. Il fallut ensuite attendre les années 1550 pour que les Portugais obtinssent une remise en question partielle de l’édit impérial. Ils purent implanter un comptoir dans la rade de Macao. C’est de ce lieu de commerce, devenu centre d’un diocèse en 1576, que des missionnaires furent envoyés vers la Chine et d’autres pays d’Asie orientale.
Parmi eux, Matteo Ricci, un jeune jésuite italien. En 1583, accompagnant Michele Ruggieri, il participa à la première installation des jésuites à Zhaoqing, dans le sud de la Chine. Il resta en Chine jusqu’à sa mort en 1610, laissant une œuvre considérable et variée. La force de ces premiers jésuites fut d’éviter la confrontation. Ils préfèrent l’accommodement. Ainsi, Matteo Ricci fut-il invité par des lettrés chinois à produire une carte. Celle qu’il réalisa était inspirée de la carte d’Abraham Ortelius que ces lettrés avaient admirée sur les murs de la mission jésuite, mais elle se révéla totalement originale par les choix opérés par Matteo Ricci. Il l’avait adaptée à un regard chinois. La Chine, sous le nom d’« union du grand Ming » (Da ming yi tong), restait à peu près au milieu de la carte, et donc du monde. Tous les toponymes avaient été ainsi traduits, soit par une translittération des noms européens soit par une traduction. Cette carte eut un certain succès et Matteo Ricci en réalisa plusieurs versions, dont une imprimée à Beijing en 1602 sous le titre très chinois de Kun yú wànguó quán tú, « Carte complète des dix mille pays du monde », réalisée à la demande de l’empereur Wanli.
Pour finir, rappelons qu’il ne faut pas oublier que si les Européens ont été attirés par la Chine, c’est bien parce que celle-ci se trouvait au centre de réseaux marchands et commerciaux. La Chine des Ming avait sa propre économie-monde. ●

mercredi 16 janvier 2019

Vers un accord de paix entre Russie et Japon (source : Conflits)

Vers un accord de paix entre Japon et Russie ? Une analyse exclusive de Conflits, par Pascal Marchand
Aucun traité de paix n’a conclu la guerre entre URSS et Japon en 1945. Depuis lors, le Japon réclame la restitution de quatre îles de l’archipel des Kouriles occupées par l’URSS en 1945. Tout investissement majeur japonais en Russie est exclu. La situation était gelée depuis 70 ans. Or, le 14 novembre, Vladimir Poutine et Shinzo Abe ont convenu d’ouvrir des discussions sur un accord de paix.

Début janvier, la presse russe suggère un dénouement proche :
- Le 8 janvier, elle reprend une déclaration de Shinzo Abe précisant que le Japon ne ferait valoir aucune demande de compensation pour les habitants chassés en 1945 (6 000 sont toujours en vie au Japon).

- Le 9 janvier, elle annonce pour le 20 janvier un meeting d’un « Front de Gauche » et « d’organisations patriotiques » à Moscou. Ces activistes déclarent vouloir « s’opposer à la restitution de deux îles des Kouriles », qui « pourrait être décidé lors d’une rencontre prévue entre Shinzo Abe et Vladimir Poutine mi janvier ».

- Le 9 janvier encore, la presse fait état d’une déclaration du chef des forces américaines au Japon, assurant que les États-Unis n’ont pas de plan pour déployer des troupes aux Kouriles « en cas de restitution au Japon ». Selon la presse russe, ce point aurait fait l’objet d’un engagement de Shinzo Abe lors des discussions, précision utile car depuis l’assurance américaine de 1990 de ne pas étendre l’OTAN vers l’est, les Russes savent ce que vaut une promesse verbale américaine.

Quel pourrait être l’intérêt de la Russie ?
Les Kouriles forment une guirlande d’îles qui verrouillent complètement la mer d’Okhotsk sur 1 500 km entre le Kamtchatka et Hokkaïdo. La partie contestée couvre les deux îles les plus proches du Japon, Itouroup et Kounashiro, flanquées de deux plus petites, Habomeï et Shikotan.

Militairement, la mer d’Okhotsk constitue une zone de patrouille sûre pour les SNLE russes (1). Redonner Itouroup et Kounashiro ferait passer deux détroits du contrôle de la Russie à celui du Japon. Ces deux goulets peuvent permettre à des SNA (2)américains de se glisser en mer d’Okhotsk, ce qu’ils peuvent toutefois déjà faire en longeant Hokkaïdo. La sécurité des SNLE russes en mer d’Okhotsk ne devrait pas être considérablement affectée. La Russie dispose par ailleurs de sanctuaires encore plus sûrs, dans l’Arctique.
Économiquement, un accord libèrerait l’investissement japonais en Russie. Il se limite pour l’instant à une participation à l’usine de liquéfaction de gaz de Sakhaline et, depuis 2017, à la construction d’un port et d’une mine de charbon, à Sakhaline encore. En décembre 2018, la participation japonaise au projet d’usine de GNL d’Oust-Louga, en Baltique, a été évoquée. L’entrée en scène des capitaux japonais serait bienvenue pour la Russie qui, confrontée aux sanctions financières occidentales, ne peut compter que sur les investisseurs chinois, certes bien disposés, mais à leurs conditions.
Les quatre Kouriles du sud couvrent 4 025 km2 et sont peuplées de 17 000 habitants, qu’il faudrait déplacer (3). Leur ZEE couvre 330 000 km2. La perte en territoire et en ZEE ne serait donc pas nulle et Moscou devrait demander de sérieuses compensations. Or, l’étude du pont entre Sakhaline et la côte russe est en phase terminale d’étude mais n’a pas encore de financement. Un gazoduc vers le Japon reste un projet (il nécessiterait de réorienter des volumes actuellement dirigés vers l’Ouest).
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Diplomatiquement, la position internationale d’une Russie capable de régler par la négociation un conflit vieux de 70 ans, serait grandement renforcée.
Le gain territorial pour le Japon ne serait pas tel qu’il puisse inquiéter la Chine. En revanche, ses investissements en Russie pourraient la concurrencer. Mais Tokyo regarde avec tout à la fois inquiétude et intérêt le foisonnant projet chinois des Routes de la soie. Pékin, qui ne pourra l’assumer tout seul, pourrait voir d’un bon œil l’implication du Japon dans certains projets mutuellement profitables. Tokyo pourrait considérer la voie du conflit avec Pékin moins profitable que celle d’une coopération, surtout au vu de la fiabilité de la signature américaine.
Par un accord de paix avec le Japon, le Kremlin pourrait être le catalyseur d’une pacification historique.
Notes
(1) SNLE : Sous-marin Nucléaire Lance Engins (missiles intercontinentaux).
(2) SNA : Sous-marin Nucléaire d’Attaque : chargé notamment de détruire les SNLE adverses.
(3) Itouroup, 3 174 km2, 6 400 habitants ; Kounashiro,1 490 km2, 8 000 hab ; archipel de Shikotan et Habomeï, 361 km2, 2 800 hab.

vendredi 11 janvier 2019

Une Chine post-totalitaire ? article de Michel Nazet (source : diploweb.com)

Une Chine post-totalitaire ?

Par Michel NAZET, le 15 mai 2013  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Michel Nazet, spécialiste de géopolitique, est diplômé en histoire-géographie, droit et sciences politiques (IEP Paris). Actuellement professeur en classes préparatoires économiques et commerciales au lycée Saint-Michel-de-Picpus à Paris. Auteur de La Chine et le monde au XXe siècle. Les chemins de la puissance et Comprendre l’actualité : géopolitique et relations internationales, Paris, Ellipses.
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Comment comprendre les évolutions politiques en Chine ? Pour M. Nazet, le régime de la RPC n’est plus totalitaire même s’il continue de surplomber la société. Il doit aussi faire face à des oppositions importantes quoi que non concertées. Les avancées devraient s’effectuer à pas comptés.
Cet article reprend et développe la conférence prononcée le 7 avril 2013 à Grenoble, dans le cadre du 5e "Festival de Géopolitique et de Géoéconomie" organisé par Grenoble École de Management.
LES évolutions de la République populaire de Chine (RPC), qui marie un régime politique officiellement marxiste-léniniste-maoïste avec une économie affichée comme libérale, interrogent depuis de nombreuses années déjà.
La question essentielle, parfois lancinante [1], consiste à savoir si le régime politique chinois ne va pas, par la force des choses sinon par les lois de l’histoire, s’infléchir vers la démocratie… ou au contraire, en acquérant la force d’un modèle efficace, pervertir les régimes occidentaux…
À ce titre les définitions croisées du post-totalitarisme chinois et de la post-démocratie occidentale ne sont pas a priori particulièrement rassurantes [2].
L’arrivée au pouvoir d’une cinquième génération de dirigeants chinois depuis 1949 avec Xi Jinping et Li Keqiang incite pourtant à s’interroger sur les mutations du régime dans un contexte où les scandales [3] ont été nombreux.

Incontestablement, le régime politique de la RPC n’est pourtant déjà plus totalitaire…

Suite aux années Deng Xiaoping et aux effets cumulatifs de la période des 4 modernisations et de l’ouverture des ZES (après 1978), puis de la relance des réformes de l’après Tian’ anmen (après 1992), le régime n’est plus totalitaire.
Ainsi, la danwei a pratiquement disparu et son rôle est désormais remplacé par le marché. La décentralisation, effective, a donné plus de pouvoirs aux cadres locaux qui font souvent alliance avec les entrepreneurs autorisant par ailleurs une montée en puissance des féodalités locales et un développement considérable de la corruption. Les « dix glorieuses » chinoises se sont traduites aussi par une accélération de l’urbanisation, une montée du niveau de vie qui a doublé au cours de la période et permis l’apparition d’une « classe moyenne » d’une petite soixantaine de millions de personnes [4]. Cette frange encore étroite de la population chinoise a désormais accès aux achats de télévisions et de téléphones qui se sont substitués aux choses qui tournent de la période précédente (vélo, montre, machine à laver, machines à coudre) alors que se développent la publicité et les supermarchés. Enfin, les mentalités ont évolué avec une ouverture sur l’étranger qui s’est traduite par des manifestations de liberté sexuelle ou encore un remarquable essor artistique dont le Political Popn’est qu’un des aspects.
Le PCC a dû en tirer les leçons. Il n’a plus la prétention, ce qu’il ne pourrait d’ailleurs plus faire, de gérer la vie privée des citoyens. Il a également accordé un peu plus de liberté aux intellectuels, aux écrivains et aux artistes. De même et surtout, il a laissé et laisse de plus en plus libre cours aux initiatives dans le domaine de l’économie, incitant d’ailleurs, depuis le XVIe congrès du PCC en novembre 2002 et à travers le terme de la triple représentativité (amendement de 2003 à la Constitution de 1982), les capitalistes à jouer un rôle accru dans la vie politique nationale et à intégrer le PCC.

… et même s’il continue de surplomber la société…

Michel Bonin , le fondateur de Perspectives Chinoises, a, il y a quelques années déjà (2003), inventé le concept de totalitarisme replié en montrant que le PCC pouvait à tout moment, si besoin était, se déplier et frapper toute personne ou toute force sociale considérée comme dangereuse, comme lors de la répression de la secte Fa Lun Gong à la suite de la manifestation du 25 mars 1999 au parc Zhongnanhai dans le centre de Pékin.
Et de fait, le PCC, fort de près de 80 millions de personnes, dirige toujours la Chine au nom des 4 principes fondamentaux de Deng Xiaoping qui sont le maintien du socialisme, de la dictature démocratique populaire, de la direction du Parti communiste et du marxisme-léninisme et de la pensée de Mao Zedong. Il persiste à vouloir contrôler totalement l’espace public en se concentrant sur l’essentiel : l’information, la communication et, surtout, l’organisation politique et sociale. À ce titre, il continue de refuser l’existence de toute organisation sociale autonome (association, syndicat, Église, parti politique ou autre), ce qui le distingue encore nettement d’un banal autoritarisme. François Godement [5]pour sa part va encore plus loin en considérant que le Parti a renforcé son pouvoir ces dernières années…
Ce renforcement du PCC, qu’il qualifie de Parti-État, tient à trois facteurs. Le premier est politique : sous Jiang Zemin, de 1995 à 2002, la légalisation a beaucoup progressé alors que sous Hu Jintao depuis 2002 le parti a régularisé son fonctionnement avec une politique de ressources humaines qui permettent l’évaluation des performances et une consultation des experts plus fréquente que par le passé… Le second tient au fait que le PCC surplombe toujours la société par le contrôle des médias et d’une industrie des distractions dont la fonction remplace les organisations de masse de l’époque maoïste… Le troisième : le parti commande plus que jamais l’accès aux responsabilités, quelles qu’elles soient, dans le pays…

… il doit aussi faire face à des oppositions importantes, nombreuses quoi que non concertées…

Il existe actuellement en Chine une communauté de journalistes, d’avocats, de blogueurs, de militants divers qui exigent des réformes dont le catalogue peut être dressé assez aisément. Pour l’essentiel, les revendications portent sur une réforme, voire la suppression, des camps de rééducation qui restent bien, selon l’expression de l’écrivain Liao Yiwu, l’Empire des ténèbres [6].
Elles portent aussi sur la fin de la censure préalable dans la presse, sur Internet, dans le domaine de la littérature… Elles revendiquent aussi de façon plus large l’application de la Constitution chinoise qui garantit en théorie la plupart des droits fondamentaux de la personne.
Il faut toutefois retenir que l’agitation la plus médiatique et la plus explosive - les 200 000 incidents de masse désormais comptabilisés annuellement - concerne des problèmes locaux : contestation de la fermeture d’une usine, abus des autorités locales (prévarication ou corruption, abus d’autorité, abus sexuels), expropriations, mauvaises conditions de travail ou d’existence (émeutes de travailleurs migrants dans le Guandong en 2011…) et, de plus en plus souvent, exigence de la fermeture d’un site polluant.
Néanmoins, on n’a pas en Chine aujourd’hui de mouvement de masse revendiquant une démocratie sur le mode occidental (Tian’anmen en 1989 a été très ambigu, même la police y manifestait). Seule une étroite frange d’intellectuels, ceux de la Charte 08 dans la tradition du Mouvement du 4 mai 1919 dont elle se revendique, réclame ouvertement le fédéralisme et une démocratie parlementaire représentative. En fait, ce que veulent les gens c’est la satisfaction d’intérêts individuels, pouvoir protester sans répression, pouvoir faire pression sur un pouvoir connu et identifié…

Pour l’avenir proche, des avancées obligées…

Il est indiscutable que le capitalisme libéral a fait, sur une période beaucoup plus courte, subir à la Chine des mutations au moins aussi violentes que celles mises en évidence pour les pays occidentaux par Karl Polanyi dans La Grande transformation (1944) ou encore par Peter Laslett, Un monde que nous avons perdu (1965). Des faits sociologiques récents comme les rôles nouveaux de l’argent, du diplôme dans l’ascension sociale ou le caractère déterminant des relations sociales sont identiques à ceux qui se produisirent en leur temps dans les pays occidentaux à la fin du XIXe siècle.
Il est tout aussi indiscutable que ces transformations brutales ont permis un relatif relâchement d’une emprise totalitaire devenue plus lâche dans la mesure où le pouvoir ne peut plus et ne veut sans doute plus non plus mettre en œuvre les moyens coercitifs de masse du passé.
Ces évolutions ne sont pas obligatoirement positives pour un Liu Xiabao qui qualifie de philosophie du porc la philosophie politique du pouvoir en place. Selon lui, tout est fait en Chine pour que, de façon exclusive, les porcs (c’est-à-dire la population) s’endorment quand ils sont rassasiés et mangent quand ils se réveillent… quitte à développer dans le pays le cynisme, l’opportunisme, l’anesthésie de la compassion, avec le seul nationalisme comme exutoire idéologique [7]
Elles le sont davantage pour le pouvoir qui développe à l’heure actuelle un véritable soft power dans ce domaine. Le PCC se présente ainsi comme une alternative crédible à la démocratie représentative dont il raille plus ou moins ouvertement la sélection des élites politiques, la démagogie, la gestion des affaires à courte vue, les finalités oligarchiques [8]
Une Chine post-totalitaire ?

… mais qui devraient s’effectuer à pas très comptés

Pour l’avenir, quelles tendances semblent devoir se dégager au moins à moyen et à court terme ? En ce qui concerne les évolutions politiques, il faut sans doute renoncer à l’idée d’une démocratisation rapide de la Chine dans les années qui viennent.
La société chinoise ne semble pas le souhaiter, le PCC non plus.
Les premiers pas de Xi Jinping sont à ce titre révélateurs. Dans son premier discours en tant que chef du parti, L’espoir des gens pour une vie meilleure est notre objectif et qu’il a qualifié lui-même de contrat de pain, il pointe surtout les efforts à faire dans les domaines de l’éducation, de l’emploi, du revenu, de l’assistance sociale, de la santé… Il n’y a pas un seul mot sur les réformes politiques … Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’évolutions, elles semblent même inéluctables au vu du passé récent et surtout de la volonté affichée du même Xi Jinping, qui prône « le rêve chinois », de s’attaquer à la corruption : la censure devrait continuer de se relâcher au profit d’une liberté de presse plus grande, les élections au sein du parti ainsi qu’aux divers échelons locaux devraient se généraliser. Il est probable aussi qu’un "État de droit à la chinoise" devrait voir le jour dans le mandat qui sera accordé à Xi Jinping…
Il n’en reste pas moins qu’un retour en arrière reste toujours possible, et pour finir sur une note souriante (?) on renverra à un roman publié en 2012 dû à un Chinois de Hong-Kong nommé Chan Koonchung et intitulé Les années fastes [9]. Dans cette uchronie, dans un contexte de crise mondiale et au prix de trois semaines de répression intense dont le pouvoir a effacé toute trace, le pays nage dans un bonheur d’autant plus parfait que les stations d’épuration de l’eaufournissent un produit enrichi à l’ectasy.
Copyright Mai 2013-Nazet/Diploweb.com

Plus
. Michel Nazet, La Chine et le monde au XXe siècle. Les chemins de la puissance, Paris, Ellipses, 2012.
Comment le géant asiatique a-t-il pris, au XXe siècle, le(s) chemin(s) de la puissance ? Le XXIe siècle sera-t-il chinois ? L’auteur fait ici le point sur l’histoire, la transformation, l’évolution, la place et le rôle économique et politique de la Chine dans le monde.
1. Singularités et contraintes d’un territoire. 2 . Un État récent, une civilisation multimillénaire, une conception spécifique de la puissance. 3 . La Chine et le monde : destins croisés du Moyen Âge à la Révolution industrielle. 4 . L’ouverture forcée amorce le siècle de la honte (1842-1919). 5 . Des débuts de la République au régime de Nankin (1919-1937). 6 . Le basculement dans le camp soviétique (1937-1957). 7 . Le temps des utopies et des impasses isole la Chine (1957-1976). 8 . Le retour sur la scène internationale (1980-2010). 9 . La Chine dans la mondialisation. 10 . Ambiguïtés et fragilités d’une grande puissance. 11 . Les apprentissages de la puissance. 12 . La Chine aux risques de l’escalade et de confrontations potentiellement dangereuses.

Corruption dans le sport (source Le Temps)


Tokyo-2020: le président du Comité olympique japonais mis en examen en France pour «corruption active»

Les juges d’instruction parisiens qui enquêtaient sur un versement suspect de près de 2 millions d’euros pendant la candidature victorieuse de Tokyo ont mis en examen Tsunekazu Takeda, le président du Comité olympique japonais
Le président du Comité olympique japonais, Tsunekazu Takeda, a été mis en examen en décembre à Paris pour «corruption active» dans l’enquête française sur l’attribution des JO de Tokyo-2020, a-t-on appris vendredi de source judiciaire, confirmant une information du quotidien Le Monde. Le président du comité olympique japonais dément les accusations de corruption.
Tsunekazu Takeda, 71 ans, a été mis en examen le 10 décembre par les juges d’instruction parisiens qui tentent depuis trois ans de faire la lumière sur le versement suspect de près de 2 millions d’euros réalisé en 2013 pendant la campagne de candidature japonaise victorieuse, au détriment de Madrid et Istanbul.

Paiements suspects

L’enquête, ouverte en mai 2016, porte sur deux paiements destinés à la société Black Tidings, liée à Papa Massata Diack, personnage central de plusieurs affaires de corruption au sommet du sport mondial.
Tsunekazu Takeda, actuel vice-président du comité d’organisation des JO-2020, avait déjà été interrogé début 2017 par des magistrats de Tokyo, à la demande de la justice française.
Peu après la révélation de ces accusations, le Comité olympique japonais avait désigné un panel de trois juristes, lequel avait blanchi en septembre 2016 le comité de campagne sans pouvoir cependant mener des investigations poussées.

Mandat d’arrêt et mise en examen

Selon les instances olympiques nippones à l’époque, la somme suspecte correspondait à des «rémunérations légitimes d’un consultant» et personne ne savait que Black Tidings, qui était basée à Singapour, était liée à Papa Massata Diack, dit «PMD».
Cet ancien puissant consultant marketing de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), présidée de 1999 à 2015 par son père, Lamine Diack, lui-même membre influent du CIO, est soupçonné d’avoir touché plusieurs millions d’euros de pots-de-vin sur des contrats de sponsoring ou pour favoriser les candidatures de Rio et de Tokyo aux JO de 2016 et 2020.
Dans la presse, il s’en est toujours défendu. Mais réfugié au Sénégal, il n’a jamais été entendu par la justice française, qui a lancé un mandat d’arrêt international contre lui alors que son père est mis en examen pour corruption et ne peut quitter le territoire français.

Vaste système de corruption

L’enquête française sur les JO de Tokyo et celle, parallèle, sur ceux de Rio, ont été ouvertes par le parquet national financier (PNF) à la suite des découvertes réalisées lors des investigations internationales menées d’abord contre un vaste système de corruption mis en place au sein de l’IAAF pour permettre à des athlètes russes dopés d’éviter ou retarder les sanctions.
Dans ces affaires, la compétence de la justice française s’explique notamment par le fait que des fonds ont pu être blanchis en France.