mercredi 18 décembre 2019

La naissance d'un géant automobile euro-américain (source : La Tribune.fr)

Fusion Fiat-PSA : pourquoi les Peugeot craignent de perdre le contrôle


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John Elkann est l'héritier de la famille Agnelli, la puissante famille italienne fondatrice de Fiat et qui a constitué un groupe industriel mondial.
John Elkann est l'héritier de la famille Agnelli, la puissante famille italienne fondatrice de Fiat et qui a constitué un groupe industriel mondial. (Crédits : Reuters)
Alors que l'annonce des termes de la fusion entre les deux groupes automobiles est imminente, des actionnaires français s'interrogent sur la répartition du contrôle de la nouvelle entité. Avec 6% seulement du capital, les Peugeot pèseront plus de deux fois moins que la famille Elkann (14%). Les analystes, eux, jugent l'accord déséquilibré et estiment que les actionnaires de PSA surpaient la fusion avec FCA.
C'est la dernière ligne droite avant l'annonce officielle ! Les constructeurs français, PSA Peugeot-Citroen, et italo-américain, FCA, Fiat-Chrysler Automobiles, s'apprêtent à boucler les négociations en vue de signer un protocole d'accord pour fusionner leurs activités. Des deux côtés des Alpes, on espère officialiser cet accord avant les fêtes de fin d'année. Selon l'agence Reuters, le conseil de surveillance de Fiat Chrysler doit se réunir mardi après-midi pour évoquer les prochaines étapes à engager dans le processus de fusion. Peugeot a lui aussi prévu la tenue d'une réunion lors de laquelle un protocole d'accord avec FCA pourrait être présenté, avaient déclaré certaines sources proches du constructeur français jeudi dernier.
Cette fusion doit propulser le nouvel ensemble au quatrième rang mondial du secteur, avec 9 millions d'automobiles produites par an. Pour Carlos Tavares, patron de PSA, cette consolidation doit lui permettre d'amortir les investissements en matière d'électrification, de voiture autonome ou encore de connectivité, sans parler des nouvelles plateformes et nouvelles motorisations. De son côté, Fiat Chrysler Automobiles va accéder à des technologies sur lesquelles le groupe avait fait l'impasse, notamment l'électrification, mais également des plateformes modernes.

Dilution et plus-value...

Depuis l'annonce de leur volonté de rapprochement, les deux parties ne cessent de parler d'une fusion entre égaux. Autrement dit, la nouvelle entité sera constituée à 50-50 des parts provenant des deux entreprises. Mathématiquement, cela signifie que chaque actionnaire verra sa participation dans leur entreprise respective, divisée par deux dans la nouvelle entité. Ainsi, la famille Peugeot qui détient environ 13% du capital de PSA, se verra diluée avec une participation de plus de 6% du nouveau groupe. Jamais, la famille fondatrice de la marque au lion n'aura eu si peu de contrôle sur celle-ci. Mais en ajoutant BPI France, le camp français cumulera une participation plus significative, de l'ordre de 13%. Pas trop loin donc de celle de la famille Elkann, héritière de la puissante famille Agnelli (du nom du fondateur de Fiat), qui aura une participation de 14% dans le nouvel ensemble (29% actuellement chez Fiat). C'est tout juste s'il est prévu que la famille Peugeot puisse augmenter sa participation de 2 points pour mieux équilibrer l'accord dans le cadre d'un pacte d'actionnaires plafonnant les parts des uns et des autres.
Cette perspective figerait la position dominante des actionnaires italiens. lI est par ailleurs prévu que John Elkann devienne le président du nouveau groupe, tandis que Carlos Tavares en serait le directeur général opérationnel.
Quant à DongFeng Motors, actionnaire de PSA à hauteur de 13%, il pourrait être conduit à retirer ses billes. Le groupe automobile chinois accueillerait avec plaisir la plus-value de sa prise de participation dans le groupe français en 2014 lorsque celui-ci était au plus bas. En outre, sa présence dans le capital pourrait poser un problème aux autorités américaines qui sont très attentifs aux actionnaires chinois dans leurs entreprises.

Un déséquilibre précaire...

Le noyau dur qui contrôle PSA (famille Peugeot, BPI France et DongFeng) ne sera donc pas reconduit au capital de la nouvelle entité, et la part des autres actionnaires restants sera diluée... Pour la famille Peugeot, il y a un risque de prise de contrôle de fait du nouveau groupe par la famille Elkann. La semaine dernière, et de concert avec Bpifrance, elle a demandé des précisions sur les modalités de gouvernance du nouveau groupe, dans le cas d'une succession de Carlos Tavares.
"La famille Peugeot et BPI, notamment, craignent que PSA ne perde son déséquilibre favorable si quelque chose arrive à Carlos Tavares", a indiqué à l'agence Reuters une source bien informée.
L'ambiguïté contractuelle réside sur la ventilation du conseil d'administration. Composé de 11 membres, la famille Elkann en nommera 5, tandis que les actionnaires de PSA en nommeront 5. Le onzième membre est Carlos Tavares. Sauf que pour l'heure, rien ne stipule si ce siège est attribué au camp français ou au camp italien en cas de disparition de celui-ci.
Les Peugeot veulent pérenniser un équilibre dans le rapport de force entre les deux familles d'actionnaire. Si le mandat de Carlos Tavares est de cinq ans, ils veulent voir au-delà, mais également anticiper un soudain "empêchement" du patron qui a redressé spectaculairement PSA. La disparition de Sergio Marchionne (Fiat), l'accident mortel de Christophe de Margerie (Total) ou l'arrestation de Carlos Ghosn (Renault) fournissent de nombreux exemples qui nécessitent d'anticiper une gouvernance pérenne.

Très riche famille Elkann

En outre, la famille Peugeot peut également craindre d'être à la merci d'un rapport de force financier qui lui sera défavorable. Depuis 15 ans, la famille Elkann s'est enrichi via les dividendes de la politique de financiarisation de FCA: coupes des budgets R&D, démantèlement des activités comme les camions, Ferrari ou encore Magneti-Marelli avec cession aux actionnaires. Enfin, il est question de percevoir un nouveau dividende exceptionnel à la faveur de cette fusion qui rapporterait près de 1,6 milliard d'euros supplémentaire.
"Nous disposerons d'une somme de 3,6 milliards d'euros pour des possibles acquisitions et investissements", a récemment déclaré John Elkann, tout en indiquant vouloir s'attaquer à l'Asie pour diversifier son portefeuille d'actions. Outre FCA, Exor, le holding familial, contrôle également CNH (l'ancienne branche camions et trucks de FCA), Ferrari.
En 2015, il a racheté 100% du groupe de réassurance PartnerRe pour près de 7 milliards d'euros. Plus anecdotique, mais non moins symbolique de la stratégie d'influence des Elkann, Exor contrôle la Juventus de Turin et vient de racheter deux journaux italiens de référence que sont La Repubblica et la Stampa. Il possède également le très puissant magazine économique anglo-saxon The Economist. Au premier semestre 2019, Exor a enregistré un bénéfice net de 3 milliards d'euros.
Avec 5 milliards d'euros d'actifs, FFP, le holding des Peugeot est loin de la puissance financière d'Exor. Il compte néanmoins quelques pépites comme une participation de 13% chez Seb, un groupe électroménager largement redressé, et 12% chez Safran, soit un acteur majeur du très dynamique secteur aéronautique et défense. Les Peugeot toucheront tout de même un dividende exceptionnel de l'ordre de 500 millions d'euros, à la faveur de la cession de l'équipementier Faurecia, que PSA contrôle encore à hauteur de 46%.

Les analystes "surpris" par la prime payée par Peugeot

Pour les analystes, c'est très clair: la famille Peugeot sort perdante de l'affaire. Alors que les contours du projet de fusion étaient précisés début novembre, les notes de brokers étaient unanimes: "la fusion va surtout profiter à FCA et à ses actionnaires". Deutsche Bank, Crédit Suisse, Jefferies ou UBS ont estimé que la prime payée par le camp français est comprise entre 28 et 32%... UBS estime que le groupe français va représenter les deux tiers de la valeur de la nouvelle entité alors que le deal est fixé à un échange de 50-50... Citi a jugé "surprenant" que PSA "surpaie" FCA et écrit que les termes du projet de fusion "sont fortement biaisés en faveur des actionnaires de FCA". Un broker va même jusqu'à écrire: Carlos Tavares et son équipe "ont dû voir quelques choses qui nous échappe".
Sur les estimations des synergies que la nouvelle entité prodiguerait, les avis sont très partagés. Si on regarde les gains des uns et des autres, on constate qu'il y a un déséquilibre entre les deux groupes. Ainsi, d'un côté, il y a un groupe français totalement restructuré avec des plans produits avancés sur chacune de ses marques et des technologies (moteur, électrification) tout à fait dans le timing. PSA profitera néanmoins des économies d'échelle autorisées par l'accession à un effet de taille conséquent. Il s'implantera également aux Etats-Unis, un marché longtemps lorgné mais jamais conquis. Enfin, Jeep et RAM sont les deux pépites de FCA qui, au-delà de leur profitabilité, sont de vrais outils de conquête internationaux.

FCA, un groupe fragilisé

De l'autre côté, FCA croule sous les insuffisances structurelles: des usines italiennes chroniquement sous-utilisées, l'absence de gamme électrifiée (ou qui n'arrivera qu'à rebours de la concurrence), des plateformes obsolètes, et des gammes vieillissantes pour ne pas dire complètement dépassées. La restructuration de FCA va coûter des dizaines de milliards d'euros. Pour le seul redressement d'une marque comme Alfa Romeo, les spécialistes estiment qu'il faudrait débourser entre 6 et 7 milliards d'euros. Mais il faudra aussi relancer Fiat, Maserati et Chrysler aux Etats-Unis.
Les analystes jugent les estimations de synergies de la fusion fournies par les deux groupes, autour de 3,7 milliards d'euros par an, de "probablement sous-évaluées". Ils rappellent que pour une taille quasi-équivalente, Renault et Nissan ont été capables d'aller jusqu'à 5 milliards d'euros d'économies annuelles. UBS calcule que FCA et PSA peuvent aller jusqu'à 6 milliards d'euros de synergies. Mais surtout, les analystes s'interrogent sur le partage de ces synergies et estiment que FCA sera celui qui en profitera le plus. Pour le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, on se dit également surpris "que les actionnaires du constructeur français paient une prime de contrôle implicite (...) alors qu'il n'y aura pas vraiment contrôle de PSA sur FCA".
Pour les marchés, la réussite de ce deal ne tiendra que sur la présence de Carlos Tavares. Le PDG de PSA jouit d'une aura exceptionnelle, lui qui a fait de PSA, et d'Opel, une cash-machine en quelques années. Ils estiment qu'il est le plus à même de piloter cette nouvelle structure vers le succès. Encore un autre actif qui n'est pas valorisé dans le deal avec FCA...

lundi 9 décembre 2019

La silicolonisation du monde (Eric SARDIN, écrivain et philosophe français ; livre de 2016 (source : Médiapart)

Voici un compte-rendu d'un livre édité en 2016, qui, 3 ans plus tard, semble d'une actualité forte.Serge Boyer.

J'ai lu «La Silicolonisation du Monde» d’Eric Sadin

A l’heure où les changements qu’apporte la numérisation du monde sont salués de façon quasi unanime avec enthousiasme comme l’ouverture vers des possibles, le philosophe Eric Sadin vient questionner ce «technopouvoir», dans son nouveau livre. Il nous faut essayer de saisir ce qui se passe dans cette économie numérique, alors que nous disséminons de plus de données dans tous nos gestes quotidiens.

Dans ce livre, Eric Sadin, écrivain et philosophe qui analyse depuis de nombreuses années le numérique, veut nous alerter sur cette vision du monde du ‘’Tout Numérique’’, issue de la Silicon Valley, dont le but serait de contrôler insidieusement nos vies pour en tirer des profits colossaux.
L’auteur fait l’historique de différents moments de la Silicon Valley, rappelant que ce fut d’abord le temps du complexe militaro- industriel, né des recherches à l’université de Stanford dans les années 37-38 et, se prolongeant après la guerre, contre lequel Eisenhower avait mis en garde dans son discours d’adieu en 1961 : ‘’cette industrie permanente de l’armement ‘’qui rend les politiques publiques ‘’captives d’une élite scientifique et technologique’’. Cette formule ne résonne-t-elle pas aujourd’hui à nos oreilles de la même façon envers l’industrie numérique ? Dans un deuxième temps, fin des années 60, San Francisco devient le haut lieu des mouvements d’émancipation individuelle (hippies) puis vient le temps de la technique émancipatrice où des scientifiques, des ingénieurs, des industriels libertaires se piquent de faire ‘’du monde un endroit meilleur’’.
Mais nous avons changé de moment, après l’âge de l’ACCES de tous à la connaissance et de l’utopie de l’émancipation et de la collaboration, nous voilà dans l’âge de de la MESURE de la vie : la nouvelle étape sera la numérisation du réel par les objets connectés, de plus en plus nombreux de plus en plus sophistiqués, tout est appelé à être infiltré de puces (lieux de travail, environnement urbain, habitat, école, santé, notre corps). Grâce à ces objets, aussi divers que voitures, chaines de production, réfrigérateurs, matelas, vêtements, et même biberons connectés, nous laisserons un témoignage intégral de notre vie, qui sera géré et monétisé par des entreprises privées. Nous serons ‘’accompagnés’’ dans notre quotidien, bientôt dessaisis de nos choix, de nos décisions, puisque nous serons bien conseillés, en ‘’temps réel’’. Ce n’est plus le consommateur qui ira vers le produit, mais le produit qui va désormais au consommateur et s’insinue dans son existence. Nous savons que la technique n’est pas neutre, et derrière la technique il y a toujours les fabricants et leurs profits.
Grâce à l’Intelligence Artificielle un guidage des actions humaines est en marche, prenons un exemple parmi d’autres (***), le système Watson d’IBM: Il s’agit d’une machine hôpital qui recueillera toutes les données, fera un suivi évolutif, sera organe de diagnostic et de prescription médicale. On finira par accorder plus de crédit à Watson qu’aux médecins, étant donné l’aura de vérité des ‘’algorithmes scientifiques’’ : il s’agit donc bien là de la disqualification de l’intelligence humaine.
‘’Si nous n’y prenons garde, nous serons bientôt tous (et nous le sommes déjà en partie) Silicolonisés’’, affirme l’auteur, car tous les pays reproduisent le modèle, il se crée des « valleys » sur les 5 continents, avec l’esprit de la Silicon Valley, la nouvelle ‘’doxa’’ du nouveau capitalisme paré des vertus égalitaires, avec des autoentrepreneurs autonomes et des collectifs de créateurs : Le monde enchanté de demain ! Ou …. Plutôt ‘’le meilleur des mondes’’ d’A. Huxley ? Cette idéologie de la liberté ne serait - elle pas utilisée comme un cheval de Troie ?
L’auteur nous invite à opposer des contre discours à ces discours enchanteurs, qui masquent le techno-libéralisme conquérant à l’œuvre, car les Politiques, eux, sont déjà acquis à la ‘’chose numérique’’ comme en témoigne la loi de septembre 2015 ‘’Pour une République Numérique’’ où les données publiques seront exploitées par les start-up via des applications de services sans contrepartie financière; Le législateur s’est soumis, en témoigne la place accordée au numérique dans l’éducation nationale (****), le fait que le conseil du numérique compte parmi ses membres 2/3 de responsables d’entreprises internet et de la donnée ! Quid des conflits d’intérêt ? Et quand on parle de ‘’robotique sociale’’, de quoi parle-ton, au temps du chômage de masse chez les humains, encore plus inemployés, inutiles?
Il faut refuser d’acheter tous ces objets connectés qui vont permettre l’intelligibilité de nos comportements, ensuite revendue pour des applications de services à acheter. Refusons la domotique connectée, les compteurs linky, la robotique des prothèses non nécessaires, censées nous ‘’augmenter’’ : le corps augmenté, le soldat augmenté, la réalité augmentée… (Des casques de réalité augmentée qui permettront que tout se passe dans ‘’nos casques’’ et, de ce fait, risque fort d’exclure le monde sensible…)
Eric Sadin nous incite à résister maintenant, avant que ces « gourous de la Silicon Valley » ne craquent toutes les structures de la société et ne réalisent la marchandisation intégrale de la vie.

Andrée Desvaux

*** On pourrait citer d’autres robots IA aux doux noms, intégrables à notre vie :Echo ou Alexa, l'assistant vocal d'Amazon sera intégré à de plus en plus d'objets du quotidien, voitures, aspirateurs….

Le livre: LE DÉSASTRE DE L’ÉCOLE NUMÉRIQUE de PHILIPPE BIHOUIX et KARINE MAUVILLY au Seuil
***** et sur les problèmes de droit  Libération: La silicon valley cherche à imposer le droit américain à l’Europe et l’U E renonce à défendre ses propres règles : http://www.liberation.fr/debats/2017/01/02/olivier-iteanu-la-silicon-valley-cherche-a-imposer-le-droit-americain-a-l-europe_1538675 ( Interview d’Olivier Itaneu)
Son livre : Quand le digital défie l’état de droit. Ed. Eyrolles

lundi 2 décembre 2019

Taxes américaines envers le Brésil et l'Argentine (source : Le Monde.fr)

Les Etats-Unis vont taxer les importations d’acier et d’aluminium du Brésil et de l’Argentine

Donald Trump a justifié cette décision par le besoin de riposter à la dévaluation des monnaies de ces pays.
Le Monde avec AFP Publié aujourd’hui à 20h24, mis à jour à 20h25
Temps deLecture 3 min.
Le président des Etats-Unis, Donald Trump, et son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, le 19 mars 2019, à la Maison Blanche (Washington).
Le président des Etats-Unis, Donald Trump, et son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, le 19 mars 2019, à la Maison Blanche (Washington). BRENDAN SMIALOWSKI / AFP
Donald Trump a annoncé, lundi 2 décembre, que les Etats-Unis allaient imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance du Brésil et de l’Argentine, prenant par surprise l’un de ses principaux alliés, le président brésilien, Jair Bolsonaro.
Le président américain a justifié sa décision par le besoin de riposter à la dévaluation des monnaies de ces pays, faisant fi de la crise économique que traverse actuellement l’Argentine. « Le Brésil et l’Argentine ont procédé à une dévaluation massive de leur monnaie, ce qui n’est pas bon pour nos agriculteurs »a tweeté le locataire de la Maison Blanche« Avec effet immédiat, je rétablirai les droits de douanes sur tout l’acier et l’aluminium qui sont expédiés de ces pays aux Etats-Unis », a-t-il ajouté.
Cette annonce est une très mauvaise nouvelle pour le Brésil, le deuxième fournisseur d’acier des Etats-Unis. Même chose pour l’Argentine, qui exporte la majorité de son acier et son aluminium vers la première puissance économique mondiale.

Droits de douane punitifs

Jair Bolsonaro, qui se targue d’entretenir d’excellentes relations avec Donald Trump, a immédiatement réagi, se disant prêt à appeler son homologue américain, en espérant que ce dernier « comprendra »« J’ai une ligne directe avec lui », a-t-il déclaré à des journalistes devant sa résidence à Brasilia. Un peu plus tard, dans une courte interview à un média local, Radio Itatiaia, Jair Bolsonaro a également espéré que Donald Trump « comprendra » la position de son pays et ne le « pénalisera pas ».
En mars 2018, Donald Trump avait annoncé l’instauration, au niveau mondial, de droits de douane de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium avant d’accepter, quelques mois plus tard, de les supprimer pour l’Argentine et le Brésil, ainsi que pour d’autres pays. En échange de cette exemption, le Brésil avait accepté d’établir des quotas d’exportation. « Je leur ai donné un sacré coup de pouce sur les tarifs, mais maintenant, c’est fini », a par la suite déclaré le président américain à des journalistes, en référence au Brésil et à l’Argentine.
Bien que nombre d’économistes déplorent l’imposition de droits de douane punitifs américains sur des centaines de milliards d’importations, Donald Trump a, une nouvelle fois, défendu cette stratégie, soulignant que Washington encaissait « des sommes énormes » grâce à ces taxes. Il a, en outre, estimé que, grâce aux tarifs douaniers, les marchés financiers américains étaient « en hausse de 21 % ».
Pour autant, les entreprises ont ralenti leurs investissements aux Etats-Unis et les agriculteurs américains, qui ont subi les représailles notamment de la Chine, sont à la peine. Et l’acier américain a continué à souffrir, l’emploi dans le secteur sidérurgique poursuivant son déclin tandis que la production a été arrêtée dans certains hauts fourneaux le mois dernier.
Le Brésil et l’Argentine ont, eux, bénéficié en partie de la guerre commerciale sino-américaine en se substituant aux Etats-Unis pour les exportations de soja et d’autres produits agricoles.
Le président américain a également demandé à la Réserve fédérale (Fed) d’« agir en conséquence » pour que les autres pays « ne profitent plus de la force de notre dollar en dévaluant leur monnaie ».
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Record historique de baisse de monnaie

En 2018, les Etats-Unis ont importé plus de 3,98 millions de tonnes d’acier en provenance du Brésil, représentant une valeur de près de 2,5 milliards de dollars, selon les données du département américain au commerce.
La semaine dernière, la monnaie brésilienne, le réal, a franchi pour la première fois le seuil des 4,27 réais pour un dollar, nouveau record historique de baisse. Une dépréciation due, selon les analystes, non pas à une quelconque intervention de Brasilia, mais aux incertitudes sur le plan international et à des doutes sur la capacité du gouvernement Bolsonaro à mettre en place ses réformes d’austérité.
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La décision du président américain « porte un dur coup au [locataire du] palais de Planalto qui voyait Washington comme un allié », a estimé André Perfeito, du cabinet de consultants Necton, qui qualifie cette mesure de « disproportionnée ».
S’agissant de l’Argentine, le pays, en récession depuis vingt mois, a vu la valeur de sa monnaie, le peso, s’effondrer. Selon le Fonds monétaire international (FMI), son activité économique devrait se contracter de 3,1 % cette année. Et l’inflation devrait atteindre 50 % d’ici à la fin de l’année, selon plusieurs organismes internationaux.
L’an passé, les Etats-Unis ont importé 168 922 tonnes d’acier en provenance d’Argentine, représentant 220,25 millions de dollars, selon l’administration américaine.
L’institut brésilien de l’acier (IAB) a réagi en se disant « perplexe ». Rappelant que « le taux de change dans le pays est libre », il a souligné que ces mesures finiraient à terme « par nuire à l’industrie sidérurgique américaine elle-même, qui a besoin des produits semi-finis exportés par le Brésil pour faire fonctionner ses usines ».