COLLES D'ACTU 2021-2022

  SOMMAIRE : liste des colles d'actu

1. La crise de l'Etat libanais



Où en est l’État libanais aujourd’hui ?     (04/10/2021)

Clément DOTTE, Léo DELPECH et Firmin LAVIE

 

INTRODUCTION :

 

            La crise sanitaire du Covid-19 met en lumière des difficultés sociales, économiques et politiques présentent dans le pays depuis la guerre civile libanaise (1975-1990). Le Liban, pays frontalier de la Syrie et d'Israël, est exposé aux rivalités moyen-orientales ce qui participe à son instabilité. Nous verrons donc comment le Liban, pays rempli de culture et de connaissances, est entré dans une crise étatique sans précédent et frôle même le statut d’État failli.

 

Mots clés : Etat, système politique, crise sanitaire, ingérences

 

 

Une profonde crise politique au Liban :

 

Selon la Constitution de 1926, les postes politiques sont répartis entre les différentes communautés religieuses, c'est ce qu'on appelle le confessionnalisme. La président de la République est ainsi traditionnellement un chrétien maronite, confession majoritaire à l'époque où ce système a été créé, le président du Parlement un musulman chiite et le Premier ministre un musulman sunnite. Le processus de formation d’un gouvernement est donc depuis toujours très difficile. Ce qui est source de tensions entre les communautés. Sans compter que le système a mené à la fragmentation progressive de la société entre différentes confessions et alimenté le clientélisme et la corruption. Cette dernière est aussi accusée d'avoir engendré la dramatique crise économique qui frappe le pays, et qui a poussé des centaines de milliers de personnes dans la rue, à l'automne 2019, pour réclamer le départ de la classe politique au pouvoir. Une contestation récemment ravivée après les violentes explosions qui ont secoué Beyrouth.

La politique libanaise doit aussi sa fragilité à la guerre civile qui a touché le pays entre 1975 et 1990. Suite à cette guerre les accords de Taef sont signés le 22 octobre 1989. Accords visant à restaurer la paix dans le pays et qui a également vu l’ingérence régionale augmenter quant au Liban car le Maroc, l’Algérie ou encore l’Arabie Saoudite ont négocié ces accords. Or, aucunes réelle politique restauratrice de paix n’est à ce jour mise en place ce qui enfonce le Liban chaque fois dans une crise de plus grande intensité.

En outre, le pouvoir Libanais est très instable. Cette instabilité est due à une politique des élites lointaine des volontés du peuple. Les gouvernements sont donc difficiles dans le pays. Avant l’arrivée au pouvoir de Nayib Mikati, l’ancien premier ministre Saad Hariri a démissionné suite aux manifestations de la population ayant pour but de montrer le ras-le-bol de cette dernière à cause de la taxation des appels Whatsapp. Et depuis cette démission, en 2019 le Liban vit sans gouvernement ce qui rend impossible sa reconstruction.

Une transformation radicale du système politique libanais est souhaitable mais semble toutefois peu probable. Le septembre 2021, l’homme le plus riche du Liban (selon Forbes) Nayib Mikati accède au rôle de premier ministre et souhaite sortir le Liban de cette crise. Lors de sa rencontre à l’Élysée avec le président E. Macron ; ce dernier a demandé au dirigeant libanais de mettre en place des « mesures d’urgence », ce qui sera fait annonce Mikati.

 

La pire situation économique et sociale de son histoire :

 

La crise sanitaire qui a touché la planète en 2019, a joué un rôle de catalyseur dans la société libanaise. Depuis 2019, la livre libanaise a perdue 500% de sa valeur ce qui a eu pour effet une augmentation de la dette (environs 170% du PIB), une baisse du pouvoir d’achat de la population et un arrêt des IDE pourtant essentiel à l’économie du pays. De même, la surcharge des hôpitaux du pays lié au Covid-19 a montré la fragilité du système de santé libanais pourtant reconnue a l’international pour ses qualifications.

En 2020, le pays est touché par une hyperinflation à cause notamment du secteur touristique qui se retrouve à l’arrêt forcé alors qu’il représente environs 20% du PIB. De plus, l’explosion à Beyrouth a fait près de 200 morts et 15 milliards de dollars de réparation. Ceci mène le pays à faire défaut sur sa dette (1,2 milliards d’euros).

            Cette conjoncture économique très défavorable a de fortes répercussions sur la société car on estime actuellement que 50% de la population libanaise vit en dessous du seuil de pauvreté, renforcé par l’inflation cela oblige le gouvernement à subventionner les denrées de base. Mais les aides de l’Etat ne sont pas versés aux milliers de travailleurs illégaux africains qui se retrouvent sans emploi, ainsi que des familles palestiniennes et syriennes.

Pour que le pays se relève il lui faut impérativement des fonds, le gouvernement pourrait accéder aux 11 milliards de dollars réunis par la conférence CEDRE (Conférence économique pour le développement du Liban par les réformes et avec les entreprises) en 2018 mais cette aide est conditionnée à la mise en œuvre de réforme structurelle à laquelle les dirigeants du pays sont opposés. Le président Macron a aussi réuni plusieurs fois la communauté internationale afin de lever des fonds pour la reconstruction du pays (sans conditions), aide estimée à plusieurs millions de dollars. 

Le Liban est sujet récurrent à de nombreuses influences étrangères dans sa région.

 

            D’une part au Proche-Orient, la présence du Hezbollah (parti politique islamiste chiite financé par l’Iran qui mène des actions politiques et violentes en Israël, au Yémen, au Liban, en Irak et en Syrie) dans le noyau dur du gouvernement libanais entraîne le Liban au coeur du conflit israélo-palestinien. Ces derniers mois ont été témoin de nouveaux affrontements entre le Liban et Israël qui  s’oppose à l’ancrage du Hezbollah dans le gouvernement libanais. La frontière israélo-libanaise est perpétuellement sous tension. En mai 2021, le Liban a tiré des roquettes sur le territoire israélien auxquelles l’armée israélienne a riposté.

            D’autre part au Moyen-Orient, le pays est au coeur de la rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Chacune de ces puissances attise les tensions confessionnelles et tente de mettre en place ses pions dans le gouvernement libanais. D’un côté, l’Iran avec le Hezbollah qui compte préserver son influence sur le croissant chiite dans la région. Et de l’autre l’Arabie Saoudite, qui concurrence l’influence iranienne. En 2017, Mohamed Ben Salmane retient prisonnier l’ex-premier ministre libanais Saad Hariri dans le but de le faire démission et le remplacer par son frère ayant une ligne plus dure sur le Hezbollah (cette opération a échoué).

 

CONCLUSION

La défaillance de l’économie libanaise va de pair avec un système politique confessionnaliste qui semble dépassé. Les puissances étrangères régionales s’ingèrent dans les affaires du pays et instrumentalisent le sentiment religieux de chaque communauté, rendant la construction d’un Etat-Nation très complexe. Cependant, il ne faut pas que le confessionnalisme  soit poussé à l’excès au risque d’une nouvelle guerre civile.

 

La mise au pt de Serge BOYER : la crise libanaise, au-delà de ce que les auteurs expliquent, est une crise d’un Etat dont l’économie dépendait de fonds extérieurs (diasporas et Etats « amis »). La chute du prix du pétrole (après 2014), puis la crise sanitaire (2020) ont fait chuter cette rente financière, vectrice d’une corruption généralisée. Ainsi, aujourd’hui, l’Etat est dans l’incapacité de fournir de l’électricité, une partie importante de la population est pauvre. C’est donc un cas d’émergence « inversée ». Pour autant, le Liban symbolise aussi l’échec de l’islam politique dans la mesure où les Libanais comprennent les raisons profondes de leurs pbs ; désormais, une partie d’entre eux souhaitent dépasser les différences pour faire évoluer leur classe politique…

 

 

SOURCES :

Chloé Berger - Conseiller d’étude et chercheuse au Collège de défense de l’OTAN à Rome a contribué à dresser le bilan socio-économique du pays dans notre présentation.

Revue Moyen-Orient N°51, juillet-août-septembre 2021, Charif Majdalani : Regard sur le Liban

France Culture : les enjeux internationaux, 13 septembre 2021 : Que peuvent espérer les Libanais de leur nouveau gouvernement

RFI : Géopolitique le débat, 7 septembre 2020 : Un nouveau Liban peut-il émerger du chaos ?

 

Ci-dessous, carte extraite du Monde diplomatique N°174 Décembre 2020-Janvier 2021 : Liban, 1920-2020, un siècle de tumulte  qui met en évidence la forte disparité religieuse vectrice de tensions au Liban.