vendredi 2 février 2018

Le modèle français face à ses handicaps : le chômage baisse peu malgré la reprise, pourquoi ?

Chômage : l'écart entre la France et la zone euro persiste

Source : LA TRIBUNE.FR
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Dans ses prévisions d'automne, diffusées le 9 novembre dernier, la Commission européenne tablait sur un taux moyen de chômage en zone euro de 9,1% en 2017, qui baisserait à 8,5% en 2018, puis à 7,9% en 2019.
Dans ses prévisions d'automne, diffusées le 9 novembre dernier, la Commission européenne tablait sur un taux moyen de chômage en zone euro de 9,1% en 2017, qui baisserait à 8,5% en 2018, puis à 7,9% en 2019. (Crédits : Reuters)
Le taux de chômage dans la zone euro est resté stable en décembre, à 8,7%, soit le même niveau qu'en novembre, a annoncé mercredi l'Office européen des statistiques Eurostat. Si le taux de chômage de la France recule légèrement, l'écart avec l'union monétaire se maintient à un niveau relativement stable depuis 2016.
Le chômage reste un point noir de l'économie française. Selon la dernière publication de l'office européen de la statistique, le taux de chômage en zone euro s'est élevé à 8,7% de la population active contre 9,2% pour la France en décembre dernier. Si les derniers chiffres de l'Insee confirment une consolidation de la reprise et un climat des affaires au plus haut, la comparaison des taux de chômage entre la France et la zone euro rappelle que la situation du marché du travail tricolore reste toujours défavorable.

Un écart persistant

Les données de la Commission européenne permettent d'observer que si la France a affiché un taux de chômage inférieur à la zone euro entre janvier 2008 et mars 2016, ce constat n'est plus valable depuis. Et la différence semble se stabiliser depuis plusieurs mois au regard des deux courbes.
Pour Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l'OFCE interrogé par La Tribune, cet écart peut s'expliquer par plusieurs facteurs. Si la France a mieux résisté entre 2008 et 2013 aux différents chocs liés à la récession de 2008 et à la crise des dettes souveraines à partir de 2011, "l'activité de la France va être moins performante que celle de la zone euro à partir de 2014 [...] au moment où la politique de l'offre se met en place". Il évoque ainsi les premiers effets de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et du pacte de responsabilité sous François Hollande qui ont pu peser dans un premier temps sur l'activité, même s'il précise que ces effets interviennent favorablement après plusieurs années sur la croissance.
Pour l'économiste, la démographie est également un facteur à prendre en compte pour expliquer cet écart. Ainsi, "la dynamique démographique est restée supérieure à celles  d'autres pays de la zone euro. Le recul du départ de l'âge à la retraite a pu jouer également [...] Cela signifie qu'il y a eu plus d'entrées que de sorties sur le marché du travail. Et même si l'on crée des emplois, cela ne suffit pas pour absorber les nouveaux entrants".

Des disparités marquées

En Europe, les chiffres du chômage illustrent mieux qu'aucune autre statistique une Europe à deux vitesses, particulièrement entre le nord et le sud.  Les taux de chômage les plus élevés ont été enregistrés en Grèce (20,7%) en Espagne (16,4%) ou à Chypre (11,3). Ces trois Etats situés dans l'Europe du Sud subissent encore les effets de la crise de 2007/2008 et les conséquences des différentes cures d'austérité, même si de sérieux signes d'éclaircie apparaissent notamment pour l'Espagne. À l'inverse, les taux les plus faibles ont été recensés en République tchèque (2,3%), à Malte ainsi qu'en Allemagne (3,6% chacun).
Pour l'Allemagne, les derniers chiffres de l'institut de statistiques Destatis sont très favorables pour le mois de décembre 2017. Selon l'organisme public, le nombre de chômeurs en données corrigées des variations saisonnières (CVS) avait diminué de 25.000 à 2,415 millions, alors que les économistes interrogés par Reuters projetaient une baisse de 17.000. Le taux de chômage a ainsi été ramené à 5,4%, contre 5,5% le mois dernier, son plus bas niveau depuis la réunification de 1990. Le marché du travail devrait probablement continuer à alimenter le cycle de croissance de la première économie d'Europe, également dopée par un rebond des exportations et une hausse des investissements des entreprises.

Un chômage des jeunes toujours important

Malgré plusieurs signes d'embellissement, les jeunes sont toujours frappés par un chômage conséquent. Cette population souvent en emploi précaire est plus fragile que le reste de la population active. Selon les derniers chiffres de l'administration européenne, le taux de chômage des jeunes s'est établi à 16,1% dans l'UE à 28 et 17,9% dans la zone euro, contre respectivement 18% et 20,3% un an plus tôt. Et il reste toujours plus élevé qu'en février 2008 (15,8%) avant la chute de Lehman Brothers qui a débouché sur la crise de la dette dans les pays européens ayant adopté la monnaie unique. Pour l'économiste de l'OCDE Stéphane Carcillo interrogé par l'AFP :
"Le taux de chômage des moins de 25 ans est toutefois encore plus sensible à la conjoncture, en raison de la flexibilité des contrats sous lesquels ils sont employés: quand l'économie repart, les entreprises signent rapidement des contrats pour 3 à 6 mois. Et quand elle patine, les firmes se séparent de leur CDD".
Mais là encore, il existe de nombreux contrastes. Les taux de chômage les plus faibles se retrouvent en République tchèque (4,9%), en Allemagne (6,6%) et en Estonie (6,8% en novembre 2017, tandis que les plus élevés ont été enregistrés en Grèce (40,8% en octobre 2017), en Espagne (36,8%) et en Italie (32,2%). Dans une étude parue le 22 novembre 2017, la Fondation Bertelsmann relevait également que parmi les jeunes sans-emploi, le taux de chômage de longue durée (plus de douze mois) en Grèce avait considérablement augmenté, "passant de 6,5% en 2008 à 22,9% en 2016, soit un peu plus d'un jeune (âgé entre 15 et 29 ans) sur cinq en 2016".
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chomage AFP
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Des perspectives favorables

En ce qui concerne les projections, Mathieu Plane se montre confiant. Les marges des sociétés se redressent, "l'investissement repart et les entreprises devraient continuer à embaucher [...] L'écart de croissance se réduit entre la France et la zone euro". D'ailleurs, dans un article intitulée France : Croissance en héritage, le laboratoire de recherches de Sciences-Po avait indiqué que :
"Au final, la croissance économique serait suffisamment robuste et créatrice d'emplois dans le secteur marchand (247.000 en 2017, 161.000 en 2018 et 223.000 en 2019) pour faire baisser le taux de chômage en France métropolitaine à 9,2 % à la fin du deuxième trimestre 2017 à 8,9 % fin 2018 et 8,5 % fin 2019".
Pour M.Plane, "on devrait donc retrouver un phénomène de convergence entre la France et la zone euro" en ce qui concerne la croissance. Surtout que "l'Allemagne est actuellement confrontée à une surcapacité de production et à des risques de tensions salariales dans l'industrie notamment". Outre-Rhin, la phase de cycle atteint des sommets alors qu' en France, "nous sommes dans une phase d'accélération". L'écart ne devrait pas s'accentuer entre les deux pays relève avec prudence l'économiste.