Faillite des
États-Unis, et si cela arrivait ?
Un défaut, même
partiel, des États-Unis serait très grave pour l'économie mondiale, même s'il
est peu probable. Quoiqu'il arrive, les difficultés actuelles aideront sans
doute à la remise en cause de la suprématie du dollar (Photo : Reuters)
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Romain Renier et Marina Torre | 15/10/2013, 12:07 -
1323 mots
Les États-Unis feront-ils défaut ? C'est peu probable, selon la plupart des
analystes. Mais si cela arrivait quand même ? Voici quelques pistes pour
comprendre les conséquences d'une éventuelle faillite américaine.
"Très improbable". C'est ce que pense Goldman Sachs d'un éventuel défaut américain en
cas de désaccord final entre républicains et démocrates sur le relèvement du
plafond de la dette d'ici au 17 octobre, alors que l'État fédéral est déjà à
l'arrêt depuis le 1er octobre dernier. "Mais si cela arrivait quand même?", comme se l'est demandé un
éditorialiste américain de Bloomberg. La réponse est unanime : chômage, crise,
effondrement de la demande, panique... bref, le chaos.
En vérité, tout dépend
de la manière dont cela arriverait, et de combien de temps cela durerait. Mais
quoiqu'il arrive, l'impact tant psychologique qu'économique serait très
important. Voici quelques pistes afin de saisir les enjeux concrets.
·
Le chaos n'est pas pour le 18 octobre
Tout d'abord, "ce n'est pas parce qu'un accord n'est pas trouvé le 17 octobre que les
États-Unis se retrouveront immédiatement en situation de défaut", commence par
tempérer Alexandra Estiot, numéro deux de la recherche économique chez BNP Paribas.
De fait, le Trésor
dispose de réserves, et étant données les échéances à venir, "cela devrait aller jusqu'au 1er novembre", explique-t-elle. En fait, le
risque est surtout sur les intérêts, mais le Trésor devrait être en mesure de
rembourser le principal.
"Mais une chose apparaît comme de plus en plus évidente, selon elle, si cela arrivait, le Trésor ne pourrait pas donner priorité à tel
ou tel paiement car tout cela est fait de manière automatique et sans
intervention humaine". Il ne pourrait donc pas y avoir de défaut ordonné. Ce qui rend les
pronostics très aléatoires.
·
L'équilibre budgétaire forcé plongerait le pays dans
la récession
Quand bien même, et
c'est la conséquence la plus certaine et la mieux quantifiable d'un non
relèvement du plafond de la dette américaine : avant même qu'il y ait défaut,
le gouvernement ne pourrait tout simplement plus avoir de budget en déficit.
Les États-Unis,
maintenus dans un état de "shutdown permanent" pire que celui subi
actuellement selon Goldman Sachs, ne pourraient plus dépenser que l'équivalent
des recettes fiscales.
Résultat : une coupe
automatique d'environ 4 points dans les dépenses publiques selon une fourchette
haute (1,7% de PIB selon Goldman Sachs). Or, "aujourd'hui, l'économie américaine va mieux qu'il y a quelques années, mais
elle est toujours convalescente. L'effet des multiplicateurs budgétaires serait
donc supérieur à la normale, et on pourrait s'attendre à quelque 6 points de
PIB en moins sur un an rien qu'à cause de l'impossibilité de faire des déficits", s'inquiète
Alexandra Estiot. En clair, sans dépense publique suffisante, les États-Unis
plongeraient dans la récession.
·
Les taux américains seraient impactés
Si l'on parvenait
finalement au défaut, la plupart des analystes ne le voient pas durer ad vitam eternam. "La majorité des républicains sont des gens sérieux, et même le Tea Party
craquerait devant le chaos qu'il aurait provoqué," espère
l'économiste de BNP Paribas.
La crise actuelle
s'expliquant surtout par une sorte de fuite en avant politique de l'aile la plus
extrême de la droite américaine pour faire plier Barack Obama en vue des
élections de mi-mandat qui se profilent à l'horizon.
Mais sa courte durée
ne signifie pas qu'un défaut n'aurait pas d'impact à la longue. En 1979, le
Trésor avait été obligé de retarder le paiement de titres arrivant à maturité
les 26 avril, 3 mai et 10 mai, soit trois maturité différentes, en raison d'un
problème technique. Ses équipements informatiques avaient connu des avaries qui
l'avaient conduit à faire défaut sur 122 millions de dollars de titres détenus
par des petits porteurs, une broutille, comparé à ce qui est en jeu
aujourd'hui.
Selon certaines études
réalisées par la suite, l'impact se serait étalé sur plusieurs années et cela
aurait coûté une soixantaine de points de base en moyenne à l'État fédéral,
soit plusieurs milliards de dollars en raison de la confiance altérée des
investisseurs.
·
Risque de credit crunch dans une Amérique qui se remet
tout juste de Lehman
Conséquence naturelle
de la hausse des rendements exigés par les investisseurs : le renchérissement
du crédit. "Car les taux pratiqués par les banques
sont liés aux taux de rendements exigés par les investisseurs pour le papier
américain," explique Alexandra Estiot.
En d'autres termes,
plus les intérêts payés par l'État pour emprunter sont élevés, plus les taux
d'intérêts exigés par les banques auprès des entreprises ou des particuliers en
échange d'un prêt sont élevés.
Les banques auraient
aussi sans doute à faire face à une perte de liquidité des titres américains
qu'elles détiennent dans leur bilan et devraient faire face à des pertes
capitalistiques importantes liées à la baisse de leur valeur. Contraintes
d'assurer un bon ratio entre capital et encourt de crédits, elles devraient
alors resserrer leurs conditions de prêts.Bien que l'impact à ce niveau serait
limité : "les banques américaines détiennent moins
de 15% de la dette publique américaine", précise Jezabel
Couppey-Soubeyran, économiste à l'Université Paris 1 et spécialiste du système
financier.
Résultat des courses,
les États-Unis auraient très vraisemblablement à faire face à un credit crunch,
même si la Fed fera tout pour l'éviter, notamment en élargissant le panel des
collatéraux acceptés en échange de liquidités. De quoi achever des PME déjà
très fragiles et que l'on pointe du doigt comme principales responsables de la
faible vigueur du marché du travail outre-Atlantique. "Les grandes entreprises, en revanche, devraient tenir le choc, car elles
sont assises sur des montagnes de cash", selon
Alexandra Estiot.
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Placement en défaut partiel par les agences de
notation
En cas de défaut, les
États-Unis seraient automatiquement placés en défaut partiel par les agences de
notation, comme l'a précisé Standard & Poor's.
"Le problème évoqué à l'été 2011, lorsque les États-Unis avaient été
dégradés, était celui des investisseurs institutionnels qui sont obligés
d'avoir dans leurs portefeuille une part minimum d'actifs sûrs et qui
détiennent pour cela beaucoup de papier américain. La question qui s'était
posée était de savoir s'ils n'allaient pas être obligés de s'en débarrasser," raconte
l'économiste de BNP Paribas.
En vérité, cela
n'était pas arrivé et les analystes croient peu à ce scénario, "la dette publique américaine, en dépit de la dégradation de sa note pendant
la crise, est demeurée l'actif de référence," explique Jezabel
Couppey-Soubeyran. Un défaut partiel ne signifie pas, selon les analystes, que
les États-Unis auront perdu pour autant leur capacité à rembourser sur le long
terme.
En revanche, se pose
la question du remboursement des détenteurs de contrats d'assurance sur les
titres américains, les fameux CDS, censés garantir le défaut de paiement.
·
Les Chinois et les Japonais le verraient d'un très
mauvais oeil
Il n'y a, évidemment,
pas qu'aux États-Unis que l'impact serait terrible. De fait, le Japon et la
Chine sont exposé à double titre.
De fait, la deuxième
et la troisième économie mondiales sont les principales détentrices de bons du
Trésor américain, et une baisse soudaine de leur valeur ou de leur liquidité
appauvrirait d'autant les deux pays. Alexandra Estiot, comme elle ne voit pas une
situation de défaut s'étaler dans le temps, ne pense toutefois pas que la
stabilité de la Chine et du Japon ne soient plus exposés que de raison.
Pour elle, l'impact se
fera surtout ressentir pour les titres arrivant à échéance dans les prochains
jours ou dans les prochaines semaines. "Un défaut sur un titre ne signifie pas que l'on va annuler la dette
américaine", explique-t-elle. Ce qui n'a pas empêché les deux puissances
asiatiques de s'agacer publiquement sur la scène internationale des querelles
politiques américaines susceptibles de mettre en danger toute la planète.
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La remise en cause de la suprématie du dollar ?
Une chose est sûre :
défaut ou pas défaut, cinq ans après avoir exporté la crise des subprimes suite
à la chute de Lehman Brothers, les États-Unis mettent à nouveau l'économie
mondiale en danger. "Ce scénario exterminerait la planète
finance", commente Jezabel Couppey-Soubeyran, ce qui pense-t-elle, n'arrivera
pas.
Ce qui n'empêche pas
d'apporter de l'eau au moulin de la Chine, notamment, qui exprime régulièrement
son inquiétude face à la trop grande dépendance du monde au dollar. Elle
pourrait être tentée d'accélérer sa marche vers une pleine convertibilité du
yuan afin de prolonger sa puissance économique sur le marché des changes.
Source : La Tribune.fr, le 15 oct 2013