Le Japon, défini comme “pacifiste” par sa
Constitution, a adopté de nouvelles lois de défense qui permettront
l’envoi de militaires dans un conflit à l’étranger. Ces textes ont
déclenché une forte opposition, et des sénateurs en sont même venus
aux mains.
Le Premier ministre Shinzo Abe aura tenu sa promesse faite lors de son dernier voyage à Washington en avril : “Je tâcherai de renforcer la coopération nippo-américaine pour l’adapter aux changements géopolitiques régionaux”,
avait-il déclaré lors de son discours au Congrès américain. De fait,
les 11 nouvelles lois qui viennent d’être adoptées au Sénat doivent
permettre aux troupes japonaises d’intervenir en renfort aux côtés de
leurs alliés, notamment américains, dans des situations où “le Japon serait, de loin ou de près, menacé”.
Mais ni le Premier ministre ni les défenseurs de ces lois n’ont su
donner d’explications claires sur les conditions dans lesquelles
s’appliqueront ces textes, qui ont été adoptées en séances plénières le
19 septembre avec 148 voix pour et 90 contre.C’est pourquoi la validation de ces lois a mis en ébullition le Parlement japonais cette semaine. Après avoir proposé une motion de défiance qui n’a pas rassemblé suffisamment de votes, l’opposition a tenté d’empêcher le président de la commission spéciale de signer le texte le 17 septembre, provoquant une scène de pugilat en plein Sénat (voir vidéo ci-dessous). Des dizaines de milliers de Japonais ont également manifesté aux quatre coins de l’archipel, réclamant le retrait de ces textes qu’ils qualifient de “lois pour la guerre”.
Manifestations exceptionnelles
Selon l’agence Kyodo, 60 % des Japonais se déclarent attachés à la Constitution pacifiste du pays, entrée en vigueur en 1947, qui stipule que le Japon renonce pour toujours à la guerre. Selon le même sondage, 61,5 % sont opposés aux nouvelles lois de défense. “Les médias japonais n’ont pas vraiment relayé ces mobilisations dans la rue. C’est à croire que nous n’avons plus de presse libre”, déplore un chroniqueur du Mainichi Shimbun. Mais les Japonais, qui n’ont pas l’habitude de manifester, n’ont jamais été aussi nombreux à descendre dans la rue depuis les années 1970, et le Premier ministre a été contraint de rallonger la session parlementaire.Malgré l’adoption des textes, la mobilisation n’est pas près de faiblir. “De nombreux recours au tribunal vont avoir lieu pour démontrer que ces lois sont anticonstitutionnelles, comme le soulignent plus de 300 avocats et spécialistes juridiques”, écrit l’Asahi Shimbun. Les manifestants préparent les prochaines élections dans le but d’éliminer les députés qui ont été favorables à ces projets de lois. Or si ces lois ont pu être validées “de force”, c’est parce que Shinzo Abe et le Parti libéral-démocrate (PLD, conservateurs) avaient obtenu la majorité dans les deux chambres lors des élections de 2012. “Si les électeurs ont voté pour le PLD, c’était pour les mesures économiques. La majorité de l’opinion publique est contre les projets du PLD, que ce soient les nouvelles lois de défense nationale ou le redémarrage des réacteurs nucléaires”, peut-on lire dans l’Asahi Shimbun. Reste à voir comment les électeurs s’exprimeront lors des prochains scrutins, et si le PLD s’appuiera encore sur les mesures économiques pour sa campagne.
source : Courrier international