2/2014 Actualité internationale
Par
, le 1er mars 2014
Agrégée d’histoire, co-auteure de Les grandes questions internationales, éd. Studyrama 2013 et auteure du livre Les pays émergents : de nouveaux acteurs, Ed. Ellipses, collection CQFD, 2011. Professeure d’histoire, de géographie et de géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales au Lycée Dessaignes (Blois).
Synthèse de l’actualité internationale de février 2014 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent un concours. Le Diploweb se tiendra à leur côté durant les prochains mois. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner à notre compte twitter.com/diploweb.
2014, année de tous les dangers pour les pays émergents ?
Le changement de politique monétaire menée par la Fed menace la stabilité despays émergents qui voient un reflux des IDE investis sur leurs sols et la chute de leur monnaie (peso argentin, rouble russe, rand sud-africain, bath thaïlandais ou livre turque). Il est même envisageable que le cycle favorable pour les matières premières prenne fin du fait du ralentissement de la croissance chez les émergents. Les craquèlements sont déjà bien visibles depuis 2013, ainsi le Brésil du « miracle » est aussi celui d’insurrections urbaines en juin 2013 après l’annonce de l’augmentation des prix des transports en communs. Depuis le début de l’année, les autorités s’inquiètent des bandes de jeunes qui, venues des favelas, envahissent les centres commerciaux et effrayent les clients comme les commerçants. Alors que le Brésil prépare une des grands happenings sportifs mondiaux en accueillant la coupe du Monde football cet été, il reste un pays où les inégalités sociales sont parmi les plus vives de la planète, un pays où l’iphone 5S se vend plus cher qu’aux Etats-Unis et se vend néanmoins très bien... En Argentine, la chute du peso fait resurgir le danger de l’hyperinflation.
En Turquie, le premier ministre Erdogan exerce un pouvoir de plus en plus autoritaire, encadrant plus étroitement la justice comme Internet.
En Thaïlande l’Etat d’urgence a été proclamé à Bangkok par le premier ministre Yingluck Shinawatra pour affaiblir le mouvement des opposants qui ont refusé de participer aux élections législatives anticipées du 2 février, dénonçant la corruption du système Taksin. La commission anticorruption annonce qu’elle va inculper le premier ministre en place. La Thaïlande, deuxième économie de l’Asie du Sud-Est, est aujourd’hui malade de la corruption qui la gangrène et de la faillite de sa classe politique. Le tout met en péril la croissance du pays.
La situation reste très tendue en Centrafrique et au Sud-Soudan
La Centrafrique, ce pays déchiré, en vacance de pouvoir, vient d’élire une présidente, madame Catherine Samba Panza maire de Bangui, pour essayer de ramener le calme dans le pays. L’ONU s’inquiète de la gravité de la situation dans ce pays et propose à une future force européenne de soutenir l’action française –Sangaris- et africaine. La Séléka a été chassée du pouvoir, et les milices chrétiennes anti-balaka font à leur tour régner la violence.
La guerre civile déchire aussi le Sud-Soudan depuis la fin 2013, provoquant un renforcement des forces onusiennes – la mission Minuss – pour mettre fin au conflitopposant les peuples représentés par le président d’une part et d’autre part l’ancien premier ministre.
Une conférence de paix sur la Syrie pour rien...et un mirage de paix en Egypte
Une conférence de paix sur la Syrie s’est tenue à Genève mais le pouvoir syrien et l’opposition sont sur des positions qui semblent irréconciliables alors que la guerre a déjà fait plus de 130 000 morts. Le chef de l’opposition, Ahmed Djarba a accusé Bachar el-Assad de crimes dignes des nazis, quand le ministre des affaires étrangères a qualifié l’opposition de « traitre », et a demandé aux pays occidentaux de ne plus soutenir des « terroristes ». Des armistices ont néanmoins été signés dans les localités autour de Damas entre l’armée de Bachar el-Assad et les rebelles.
Le troisième anniversaire de la révolution de la place Tahrir s’est tragiquement déroulé avec la mort de près de 50 personnes. L’armée porte son choix –sans surprise- sur Abdel Fattah Al Sissi pour les prochaines élections présidentielles. La fin du printemps arabe en Egypte ?
Un processus de normalisation qui se poursuit en Iran ?
Une délégation du Medef a été reçue à Téhéran par Mohammed Nahavandian, directeur du cabinet d’Hassan Rohani, pour essayer de tisser de nouvelles relations commerciales. Si les autorités iraniennes montrent leur satisfaction à l’issue de cette initiative, il n’en est pas de même de Washington qui estime que l’Iran n’est pas encore ouvert aux affaires. Néanmoins, Rohani s’est déclaré prêt à un accord global sur le dossier du nucléaire pour desserrer le carcan de mesures de rétorsions économiques qui pèse sur le pays.
Un renouveau italien ?
Matteo Renzi –qui a des allures de Silvio Berlusconi…jeune- est le nouveau leader de la gauche italienne. Il prend les rênes de son pays en voulant briser les tabous qui entravent son pays et le paralysent politiquement. Le maire de Florence, fervent catholique, remplace ainsi Enrico Letta et son gouvernement est annoncé comme n’étant pas un simple gouvernement de transition. Le nouveau premier ministre doit d’ores et déjà faire face à une situation délicate, en particulier sur le front de l’économie.
Un Airbus de l’énergie en Europe ?
Cette proposition de François Hollande pour une grande coopération franco-allemande dans le domaine de la transition énergétique n’a pas suscité l’enthousiasme espéré outre-Rhin. L’idée serait d’une mise en commun dans la recherche-développement, notamment dans les domaines des réseaux et du stockage de l’énergie.
Le contexte est pourtant préoccupant dans le domaine de l’énergie en Europe, où l’Union européenne se signale par son incapacité à définir et promouvoir unepolitique européenne. On assiste un peu partout à la relance du charbon - qui génère davantage de GES – aux subventions des énergies renouvelables qui viennent concurrencer des énergies comme le gaz naturel pour lequel les investissements diminuent et donc mettent en péril à moyen terme la pérennité.
Peugeot sauvé par le chinois Dongfeng... et l’Etat français ?
Le constructeur français PSA, qui inclut les marques françaises de Peugeot et Citroën, est e grande difficulté. Son manque de rentabilité – 5 milliards de perte en 2012 - serait lié à sa taille trop modeste, à son marché trop européen (or celui-ci est en berne) et à ses coûts de production élevé car l’essentiel des sites industriels est en Europe, et beaucoup en France. Quand Peugeot va mal, l’Elysée s’inquiète.
La solution trouvée pour faire face à cette mauvaise passe est d’allier PSA avec le chinois Dongfeng, dont l’entrée au capital apporte de l’argent frais qui fait défaut au groupe malgré le succès de la nouvelle ligne « DS » chez Citroën. Désormais Dongfeng et l’Etat français détiendront chacun 14% du capital de l’entreprise, les deux nouveaux actionnaires promettant d’investir près de 3 milliards d’euros... Cet accord devrait ouvrir le marché asiatique à l’entreprise de Sochaux et pérenniser une bonne partie de l’emploi en France.
Il est symptomatique que le salut vienne d’une entreprise chinoise... et de l’Etat français. Un pari sur l’avenir, donc. Quid des transferts de technologies ? Carlos Tavares devrait prendre les rênes de cette entreprise reconfigurée.
A l’Est, rien de nouveau ?
Très décriée avant le début des jeux olympiques de Sotchi, la Russie poutinienne triomphe au moment de leur clôture, elle est arrivée en tête du classement des médailles et surtout elle a démontré sa capacité à organiser un événement sportif mondial de 1er plan alors même que les inquiétudes sécuritaires étaient très fortes. A l’heure où le prestige personnel de Poutine est renforcé, rien ne va plus en Ukraine.
Le président Ukrainien, démocratiquement élu, Viktor Ianoukovitch a rompu les négociations en vue d’un accord d’association avec l’Union européenne, qui essaie ainsi de stabiliser ses marges à l’Est comme au Sud. Une partie de la population ukrainienne – pro-occidentale - s’est sentie trahie par cette décision et manifeste son mécontentement à Kiev sur la place Maïdan. Une épreuve de force s’est engagée avec le pouvoir, épreuve qui ne fait que souligner les forces centrifuges qui animent une Ukraine peuplée d’un peu plus de 45 millions d’habitants qui sont russophones dans la partie orientale du pays mais plus tournés vers l’Union européenne et la Pologne dans la partie occidentale. Ces très fortes tensions se déroulent dans un pays très affaibli économiquement et dans ce que Moscou considère comme son « étranger proche » sur lequel elle veille jalousement – prompte à dénoncer une ingérence occidentale - et exerce de nombreuses pressions aussi bien politiques qu’économiques. Le Kremlin a proposé une aide de 15 milliards de dollars si Kiev conserve une certaine proximité avec son grand voisin russe.
Le président a perdu le pouvoir samedi 22 février 2014 après avoir fait tirer sur la foule provoquant la mort d’une centaine de manifestants ; il s’est enfuit de Kiev. Des élections seront bientôt organisées, mais se posent de nombreuses questions. La première est celle d’une révolution qui renverse un gouvernement démocratiquement élu… La deuxième est celle de l’intégrité d’un pays où dans la partie orientale la révolution de la place Mäidan est perçue comme un coup d’Etat organisé par les Occidentaux. Alors que la péninsule de Crimée abrite l’un des grands ports russes, le parlement de Crimée à Simferopol a été pris par une cinquantaine d’hommes en armes. La troisième est celle de l’attitude de Moscou qui organise des mouvements de troupes aux frontières de l’Ukraine. La quatrième est celle de la position de l’Union européenne qui n’a pas vraiment l’intention d’intégrer l’Ukraine en son sein.
Le monde à l’heure d’une nouvelle course aux armements
Alors que l’Union européenne, la « Vénus » pour Kagan, préfère la négociation et la puissance douce, les autres puissance mondiales optent plus volontiers pour un « hard power » (J. Nye ). Ce décalage croissant est démontré par l’escalade des dépenses militaires au Moyen-Orient, mais aussi dans les grands pays émergents comme la Chine (qui se montre plus offensive dans le domaine maritime), l’Inde qui acquiert des armes auprès de la Russie comme des puissances européennes, le Brésil qui modernise son armée, et même aujourd’hui le Japon de Shinzo Abe. Une publication de la firme américaine IHS montre que les dépenses militaires vont augmenter pour l’année 2014 : les Etats-Unis restent le principal acteur du domaine (plus de 500 milliards de dollars) malgré une baisse du budget dans ce secteur puis la Chine (un peu moins de 150 milliards de dollars) et la Russie de V. Poutine devant le Royaume Uni et la France (53 milliards).
A l’heure des interventions françaises en Afrique, de la montée des périls en Ukraine, l’Europe peut-elle rester désarmée ?
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