Bretons, Occitans, Basques et autres restent attachés à leurs langues régionales.
Même si la pratique a pu connaître des hauts et des bas, un peu partout la relève semble aujourd’hui assurée.
PLUS DE 1 000 EMPLOIS LIÉS À LA LANGUE BRETONNE
« Aujourd’hui, 200 000 personnes parlent breton », estime Fulup Jacq, directeur de l’Office public de la langue bretonne. « Il y a deux groupes : les “anciens” et de plus en plus de jeunes de moins de 20 ans », précise-t-il. Mais « entre ces deux classes d’âge, il y a un vide ». C’est la génération des années 1980. À l’époque, les écoles bilingues, Diwan, n’en étaient qu’à leurs prémices.
Désormais, plus de 15 000 enfants de « tous milieux sociaux » y sont scolarisés dans 146 communes. À l’évidence, il y a une réappropriation de la langue. « En 2012, l’Observatoire des pratiques linguistiques a identifié 1 300 emplois nécessitant de parler breton », dans l’enseignement, mais aussi les services à la personne âgée, les médias et le monde associatif, poursuit Fulup Jacq. Et 3 000 adultes suivent des cours chaque semaine. Même s’il ne s’agit que d’une minorité, quelques prêtres célèbrent des messes en breton en milieu urbain et l’évêché de Vannes s’est récemment engagé à diffuser cette langue.
Dans le même temps, « l’utilisation du breton par les collectivités locales s’est fortement développée », se réjouit Fulup Jacq. Enfin, les nombreuses émissions en breton diffusées par France 3, France Bleu et « Brezhoweb », webTV reconnue par le CSA, en font une langue de plus en plus vivante.
Son avenir n’en est pas assuré pour autant. « Le breton est encore classé par l’Unesco parmi les langues menacées d’extinction », rappelle Fulup Jacq.
UN REGAIN D’INTÉRÊT POUR L’OCCITAN
Les chiffres sur le nombre de personnes parlant l’occitan en France varient selon les études, avec une fourchette allant de quelques dizaines de milliers à plusieurs millions. Une enquête minutieuse récemment publiée par l’Institut d’études occitanes des Hautes-Pyrénées aboutit cependant à l’estimation de 110 000 locuteurs capables aujourd’hui de soutenir une conversation spontanée en occitan, et d’environ 1,2 million de non-locuteurs plus ou moins imprégnés de notions d’occitan. Selon la même étude, si le dispositif actuel de transmission ne s’améliore pas, on comptera en 2030 moins de 15 000 personnes parlant encore vraiment occitan.
La langue connaît pourtant un regain d’intérêt depuis une dizaine d’années. En Midi-Pyrénées, à la rentrée 2013, 19 établissements proposaient une immersion linguistique à 860 élèves (contre 15 établissements et 770 enfants en 2012). Dans une cinquantaine de classes, les cours de la maternelle à la sixième sont même assurés en occitan, avec une introduction progressive du français à partir du CE1.
« On constate que de plus en plus d’étrangers ou de gens venant d’autres régions s’inscrivent dans nos écoles, ce qui leur permet de mieux découvrir notre territoire », souligne Gaëlle Pujol, administratrice de la Fédération des calandrettas (écoles occitanes – NDLR) de Midi-Pyrénées. Enfin, à Toulouse, les quarante associations occitanes réunies depuis 1989 au sein du collectif Convergéncia occitana sont particulièrement actives. Elles ont déjà obtenu le bilinguisme des plaques de rues et l’annonce des stations en occitan dans le métro.
UN PROFOND ANCRAGE EN ALSACE
En Alsace, il n’est pas rare d’entendre des conversations en dialecte chez son boulanger ou dans le bus. Selon une enquête d’Ed Institut pour l’Office pour la langue et la culture d’Alsace (Olca), 43 % des adultes maîtrisaient la langue régionale en 2012, seuls 25 % ne la comprenant pas du tout.
Cette pratique est surtout vivace chez les plus âgés – 74 % des plus de 60 ans – mais on la retrouve néanmoins chez un quart des 30-44 ans. Elle est en revanche marginale chez les jeunes, moindre dans les grandes villes, et les parents ne la transmettent que très peu : seuls 2 % des moins de 5 ans parleraient alsacien. L’Olca, qui mène notamment des concours de slam en alsacien, constate néanmoins depuis quelque temps un regain d’intérêt.
La particularité de cette langue est qu’elle se nourrit de plusieurs dialectes dont la base commune est l’allemand. Du coup, il n’y a pas d’école en alsacien, mais 22 000 élèves en classes bilingues allemand-français dans les premier et second degrés. Et les grands journaux régionaux ont tous des pages en allemand. L’alsacien, lui, trouve plutôt à s’exprimer dans le secteur culturel et des loisirs. France 3 Alsace propose ainsi des émissions culinaires ou de débat en dialecte et France Bleu Alsace se double d’une station France Bleu Elsass. Enfin, le Bas-Rhin compte 140 troupes de théâtre dialectal.
AU PAYS BASQUE, LES ÉCOLES BILINGUES DÉCOLLENT
En France, le nombre de bascophones recule. Il est aujourd’hui de 21,4 % contre 28 % en 1991, selon l’enquête sociolinguistique réalisée en 2011 pour l’Office public de la langue basque.
« Mais chez les plus jeunes, le basque est en progrès ces quinze dernières années », relève l’enquête. Actuellement, plus de la moitié (51,9 %) des 16-24 ans bilingues ont appris le basque à l’école ou dans les cours d’adultes – en 1991, la plupart avaient acquis la langue à la maison – et leurs motivations sont identitaires. Dans les écoles bilingues et les écoles par immersion, « les effectifs ne cessent de s’accroître, avec 8 604 élèves à la rentrée 2012 contre 6 617 en 2007 », observe Sébastien Castet, secrétaire d’Euskal Konfederazioa, qui fédère les associations de promotion de la langue basque. Autre signe révélateur : quand les deux membres sont bascophones ou bilingues d’origine, neuf couples sur dix transmettent la langue à leurs enfants. La « relève » semble donc assurée.
Cela étant, la langue reste parlée surtout en famille et entre amis, très peu encore dans les services municipaux (8,3 %) et dans les services de santé (3,5 %). C’est l’attachement des Basques à leur « pays » et les grandes fêtes culturelles telles que « Herri Urrats », rassemblant jusqu’à 60 000 personnes chaque année au profit des ikastolak (écoles basques), qui contribuent à diffuser et à perpétuer la langue.
LE CORSE RÉSISTE DANS LES VILLAGES
En ce début d’année, une « malencontreuse erreur » a fâché les habitants de Lumio, en Haute-Corse : lors du remplacement des panneaux de signalisation placés à l’entrée de la commune, la graphie en langue corse (Lumiu) avait été oubliée, dans une île où le nom des communes s’écrit toujours dans la langue vernaculaire, en dessous du français. Même si la pratique du corse connaît un lent déclin amorcé par une rupture dans sa transmission depuis le milieu du siècle dernier, près de la moitié de la population insulaire adulte, soit environ 90 000 personnes, déclarait, lors du recensement de 1999, s’exprimer en corse avec des proches.
Un usage toujours très vivace, voire omniprésent, dans les villages de l’île, mais plus rare dans les villes. Les jeunes insulaires entendent de moins en moins dans leur foyer la langue de leurs ancêtres. C’est généralement par le seul biais de l’école qu’ils apprennent le corse : hors filières bilingues – qui se sont multipliées ces dernières années –, trois heures hebdomadaires d’enseignement spécifique sont proposées en primaire et en secondaire.
La langue corse est également mise en valeur par les médias insulaires. À la demande de ces derniers, soucieux de renouveler leurs effectifs de journalistes corsophones, et en partenariat avec l’École supérieure de journalisme de Lille, l’Université de Corse a d’ailleurs lancé l’été dernier un diplôme « Journalisme, média et corsophonie ».
Source : La Croix.com, le 21 janvier 2013