La fenêtre d’opportunité
démographique (FOD)
Selon le démographe
Jacques VALLIN, le grand spécialiste de la fenêtre d’opportunité démographique,
le meilleur indicateur en la matière est l’évolution de la part des personnes
en âge de travailler dans une population donnée. Ses travaux montrent surtout
que la FOD varie considérablement d’un pays à l’autre, selon l’histoire de sa
transition démographique (…). Sur le plan de la transition démographique, la
Chine a suivi un schéma heurté correspondant à une politique volontariste,
d’abord pronataliste, puis totalement malthusienne, à partir de la fin des
années 1970. Cette chute de la mortalité, à un point bas de 6,7%o dès la fin
des années 1960 propulse en effet, au cours des 20 premières années du régime
communiste la croissance de la population chinoise à un niveau supérieur à
celle de l’Afrique. La Chine doit à ce baby-boom d’après-guerre tout à la fois
la vigueur de la contestation politique des jeunes au moment de la Révolution
culturelle, puis la décision historique du Premier ministre Deng Xiaoping
d’introduire la politique de l’enfant unique en 1979. Dans le même temps, le
successeur de Mao est incité à ouvrir le pays aux entreprises de main d’œuvre
du monde chinois (Hong-Kong, Singapour, Taïwan), puis d’Asie (Japon ou Corée)
et enfin du monde entier pour absorber le surplus « illimité ». Au
total, la transition démographique chinoise est rapide, dopée par le triplement
de la population via l’arrivée d’un nombre croissant de jeunes sur le marché nuptial.
La FOD chinoise qui en résulte est l’une des plus favorables jamais connues. A
partir de 1980, le potentiel de la population active, issue du boom
démographique d’après-guerre, fait logiquement un bond, la faisant passer de
plus de la moitié à plus des deux tiers de la population chinoise en 2010. Ce
chiffre est d’autant plus significatif que le régime communiste met tout le
monde au travail, y compris les femmes que la période maoïste s’est fait un
orgueil d’avoir libérées d’une servitude ancestrale (…). Plus généralement, un
chiffre symbolise l’impact mondial du bonus démographique de la Chine. Entre
1980 et 1985, la croissance de sa population d’âge d’actif représente tout à
coup le tiers de l’accroissement mondial des actifs. Et ce, au moment même où
le pays s’ouvre et participe activement à la grande vague de mondialisation,
que nous vivons toujours actuellement. (…) Pour le continent africain, la
transition démographique se traduit par un effet dépressif impressionnant sur
la part de la population en âge de travailler. Celle-ci devrait exploser en
nombre absolu, passant de 430 millions à 960 millions entre 2000 et 2030, pour
dépasser celle de l’Inde dans les années suivantes. Mais le problème est que le
cœur des actifs africains (25-59 ans) pèse toujours moins de 4 habitants sur
10, en raison d’un poids des 0-15 ans qui reste stable, autour des quatre
dixièmes également, soit plus du double qu’en Chine au moment du décollage. La
comparaison des courbes de la FOD entre les trois titans est doublement sans
appel. Le profil africain moyen reste d’abord nettement en dessous des profils
chinois et indien jusqu’en 2030. Ce n’est qu’à cette date que l’Afrique devrait
croiser les seuils du décollage chinois des années 1980, du décollage indien
des années 1990. (…). En attendant, la comparaison de la FOD de pays africains
critiques, comme le Nigéria ou l’Ethiopie, montre déjà un profil démographique
suffisamment proche : avec un point bas médiocre en 2000, puis un rebond
marqué du cœur des actifs, moteur de l’économie. Cela correspond bien à
l’ouverture de plus en plus évidente d’un potentiel de décollage africain, où
2030 apparait alors comme le milieu de la phase favorable qu’on a pu observer
un peu partout dans l’histoire du développement.
Source : Jean-Joseph BOILLOT et Stanislas DEMBINSKI, Chindiafrique, O.Jacob, 2013.
Source : Jean-Joseph BOILLOT et Stanislas DEMBINSKI, Chindiafrique, O.Jacob, 2013.