ACTION DE L'ETAT
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DE LA MER AU MÉRITOIRE FAUT-IL AMÉNAGER LES
OCÉANS ?
12/10/2016 @HUMAN_SEA LAISSER UN
COMMENTAIRE
De la
mer au méritoire – Faut-il aménager les océans ?
Jean OLLIVRO, Ed. Apogée, Rennes, 2016
Notes de lecture, Patrick CHAUMETTE,
Professeur de droit à l’université de Nantes.
Notre
collègue Jean OLLIVRO, professeur de géographie à l’université de Rennes II,
vient de publier aux Editions Apogée, à Rennes, un excellent ouvrage De la mer au meritoire – Faut-il aménager les océans ? qui
inspire un grand nombre de réflexions.
Cet ouvrage
est très documenté et aborde les océans dans leur ensemble, le littoral, bine
connu et de plus en plus peuplé, mais aussi les fonds sous-marins des plateaux
continentaux, de la zone des fonds marins gérée par l’Autorité Internationale
(AIFM), les câbles sous-marins de la société de l’information et de la
communication, la colonne d’eau et donc la mer dans son volume, la surface
nécessaire à la navigation, quand elle n’est pas sous-marine, l’air au dessus
de la mer, nécessaire au développement des champs d’éoliennes par exemple. La
verticalité est ainsi constamment développée, car les éoliennes prennent le
vent, sont scellées au sous-sol marin, produisent une électricité qui doit
parvenir à une station terrestre, installée sur le littoral, afin d’être relié
au réseau électrique terrestre, ou aérien sur terre, si l’on peut dire. Il en
est en partie de même des plates-formes gazières et pétrolières offshores, car
la production d’huile et de gaz est plutôt stockée en mer, et transportée par
voie maritime. Cette approche globale est pertinente, complexe et
méritante ; Jean Ollivro refuse toute définition « étanche de l’océan
(p. 12).
L’océan
occupe 71 % de la superficie du globe, la haute mer en représente 64 %, des
espaces plutôt déserts, à la différence des bandes côtières. L’océan est occupé
par 28 millions de pêcheurs dont 84 % seraient en Asie, par 1,2 million de
marins du commerce ; il faut ajouter les plaisanciers, peut-être les
croisiéristes (14,3 millions dont 80% de l’Amérique du Nord), mais rien n’est
moins sûr, pour un total de 7 milliards d’humains, cela est faible. Mais le
terre remplit la mer. Comment envisager les 5 continents de plastiques
recensés, notamment « The Great Pacific Garbage Patch », comportant
près d’un million de fragments plastiques par km2 ? l’auteur estime
que la très récente gouvernance internationale maritime, depuis l’entrée en
vigueur de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, préparée
depuis 1971, signée à Montego Bay en 1982, entrée en vigueur en 1994, « accroît
les conflits nationaux, régionaux et locaux » (p. 33). Nous n’en sommes
pas convaincus ; la « civilisation » des océans et la
pacification des relations internationales maritimes peut être vue
différemment, de manière plus complexe1.
L’ouvrage
passe en revue un littoral « d’empoigne », l’acidification des
océans, la territorialisation de la mer, le sous-sol océanique attractif, avec
ses tunnels, dont le Tunnel sous la Manche (The Channel Tunnel
ou Chunnel), les extractions de sables marins ou de maërl, les carrières
sous-marines, les câbles numériques, aussi essentiel que les satellites, mais
ignorés du plus grand monde. Il est possible de valoriser les planchers marins.
Le volume d’eau de mer ouvre évidemment vers le thème traditionnel de la pêche,
de la protection de la ressources halieutiques, des pêches de grands fonds, des
pêches raisonnées, de la pêche illégale, non déclarée (INN). Il s’agit ensuite d’envisager
la conquête de la planète liquide. Les « miroirs » aquatiques ont
permis la navigation, peuvent-ils permettre de vivre sur l’eau ?
Les usages de
l’air marin se renforcent.
Dès lors la
maritimisation interroge l’influence des océans sur la terre, les nouvelles
fertilisations. « La mer irrigue aussi la terre » (p. 137), notamment
par l’évaporation et les pluies, « L’océan transpire des sources
aériennes » (p. 139). Dans les deux derniers siècles, la destruction de la
plupart des zones humides a créé des catastrophes ; le projet global
d’Hô-Chi-Minh Ville, avec le futur aéroport de Long Thanh va dans le même sens.
Un retournement semble en œuvre. Bref, la mer nous est promise. « Il
existe dans cet ouvrage comme un refrain qui semble prouver la puissance
supérieure d’un mariage terre/mer » (p. 162).
L’ouvrage
débute par une thèse : la notion de méritoire : « L’océan se
mérite » ; abordée la mer comme la terre ne suffit pas, et induit en
graves erreurs ; glisser du territoire au « merritoire » n’apporte
guère à la réflexion, au contraire. Il ne s’agit ni de se partager la mer, ni
de se l’approprier. L’océan, source de la vie, et avenir de l’humanité,
« se mérite » : il faut dépasser l’idée de l’exploiter, comme
celle de le protéger, en ce sens que cette dichotomie, cette opposition, qui
appelle peut-être à une conciliation, ne permet pas une approche globale. Les
océans doivent être aménagés.
Notre
collègue Jean OLLIVRO est un joueur de mots ; il s’efforce d’en inventer,
afin d’exprimer une nouvelle approche. « Ce vent de mer chasse alors des
poncifs immémoriaux, offre un horizon politique pour de nouvelles
libertés » (p. 15). Suffit-il d’y croire ?